Mise
à jour du 28 mai 2015
Un
point d’information du 26 mai 2015 de l’ANSM (agence nationale de sécurité du
médicament) concernant le renforcement des conditions de prescription et de
délivrance des spécialités à base de Valproate et dérivés du fait des risques
liés à leur utilisation pendant la grossesse. Cliquer ici
Article
initial du 24 mai 2015 (cf.
ci-dessous)
« Enfants-Thalidomide »…
« Enfants-Dépakine »…
« Enfants-autre médicament
tératogène »…
A toutes les femmes, à tous les hommes,
en âge de procréer…
Si
l’on croit la presse, une femme aurait donné naissance, suite à deux grossesses
successives, à deux enfants porteurs de graves malformations
congénitales. Celles-ci seraient la conséquence du traitement
antiépileptique pris par cette patiente durant ces grossesses (DEPAKINE®, valproate de sodium). Ledit traitement
est dit tératogène. Son avocat aurait récemment porté plainte. Cliquer ici
On se
croirait au milieu du siècle dernier. Un médicament, le thalidomide, avait donné naissance à des enfants ressemblant à des
phoques ; d’où le nom de phocomélie
attribué à cette malformation du XXème siècle. Une affaire qui était
déterminante dans la création de la pharmacovigilance. Ce médicament a fait son
retour malgré son histoire. Depuis quelques années, il est prescrit dans
certaines pathologies bien ciblées ; et sous conditions très strictes avec
notamment une surveillance rapprochée des personnes en âge de procréer…
Ne
connaissant la récente affaire (DEPAKINE®, valproate
de sodium), j’éviterais donc tout commentaire la concernant.
Cependant, un rappel de quelques notions, relevant
désormais d’un exercice normal – presque routinier - de la pharmacovigilance, s'avère nécessaire. Il s’agit d’un aperçu
non exhaustif des règles que
tout citoyen, toute femme et tout homme en âge de procréer, devrait connaître.
Ledit avocat
semble s’étonner des mentions figurant, en 2006, dans le dictionnaire non
exhaustif des médicaments, le VIDAL® : « Mais dans le VIDAL, et ce,
jusqu’en 2006, on pouvait lire au paragraphe concernant la grossesse :
« Chez une femme épileptique traitée par le valproate, il ne semble pas
légitime de déconseiller une conception. ». »
Précisons,
toutefois, que dès la version de 1990,
le VIDAL® indique notamment « quelques cas de polymalformations et de dysmorphie faciale ont été rapportés. La
réalité et la fréquence de ces effets ne sont pas clairement établies à l’heure
actuelle. Cependant, sur la base d’une étude isolée, le valproate de sodium
semble induire préférentiellement des anomalies de fermeture du tube neural :
myéloméningocèle, spina bifida, …
malformations dont le diagnostic
anténatal est possible. La fréquence de cet effet est de l’ordre de 1 pour
cent... ».
En ce
mois de juin de cette même année 2006 évoquée par l'avocat, la revue nationale avec comité de
lecture, Le Pharmacien Hospitalier, publie mes deux travaux menés (pharmacovigilance et circuit du médicament) depuis mon arrivée au centre hospitalier. Deux
publications dont celle intitulée : « La pharmacovigilance dans un Centre
Hospitalier Général : modalités pratiques de mise en place, résultats et
actions d’améliorations ».
Je vous
laisse le soin de découvrir :
Un
premier extrait traitant du « droit
pour le malade à l’information, un droit et un devoir pour le médecin… »
Un
deuxième extrait rappelant les « anomalies »
constatées dans le « Vidal » ;
« En 2003, 55% des anomalies détectées exposaient les patients à
un risque d’erreurs médicamenteuses, dont certaines potentiellement
graves… »
Un
troisième extrait soulignant les difficultés d’accès des prescripteurs au Vidal®
et à ses versions mises à jour
Un
quatrième extrait insistant sur le fait que le Vidal® ne saurait être la seule et
unique source d’informations pour les professionnels de santé
Un
cinquième extrait relatif aux mesures prises pour « combler ces insuffisances dans notre établissement… »
Et un
sixième extrait traitant justement des « questions grossesse ». Grâce
à des données mises à jour régulièrement, nous aidons les prescripteurs dans
l’évaluation du rapport bénéfice/risque de tel ou tel médicament notamment avant
sa prescription durant la grossesse ; dans l’évaluation du risque lorsqu’une jeune
femme se découvre enceinte (grossesse inattendue) alors qu’elle est sous
traitement ; les hommes peuvent aussi être concernés (sperme)… Un appel à des
notions d’embryogénèse (formation de l’embryon), de foetogénèse (formation du
fœtus), de pharmacocinétique (devenir du médicament dans l’organisme), de
pharmacologie, de pharmacovigilance, etc.
Et
puis, septembre 2013 consacre la parution de mon livre « Médicament : recadrage. Sans ton pharmacien, t’es
mort ! » On peut lire que la prescription se fait selon les « données
acquises de la science » et non selon les seules données du
Vidal® :
Ce
livre donne également un exemple concret
qui montre comment nous avons réussi
à faire modifier, par les autorités ad
hoc, l’autorisation de mise sur le marché à partir d’un cas Choletais
de pharmacovigilance. L’effet indésirable était connu dans la littérature mais
ne figurait toujours pas dans la rubrique « effets indésirables » du
médicament concerné au niveau du Vidal®. Notre signalement, daté de fin 2007,
sera suivi de plusieurs étapes qui se sont achevées par l’apparition, en 2011,
de cette information aussi bien dans le Vidal® que dans la notice
patient :
Le code
de la santé publique est clair. Toute « anomalie ou malformation congénitale »,
présumée d’origine médicamenteuse, est considérée comme un « effet indésirable grave » (Article R.5121-152 du code de la santé publique). Et relève d’un signalement obligatoire aux structures de
pharmacovigilance répertoriées sur le territoire national.
Le « Médecin,…, la sage-femme ou le
pharmacien déclare immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un
médicament… » aux structures de pharmacovigilance (Article R.5121-161 du code de la santé publique).
N’oublions
pas la période d’allaitement ; indépendamment du risque tératogène. Des
risques d’effets indésirables…
Retenons
que les femmes qui allaitent devraient se poser les mêmes questions.
Certains médicaments passent, de façon significative, dans le lait maternel. Cette
précaution permet d’éviter quelques déconvenues au bébé. Les professionnels de
santé, qui prennent en charge ces femmes, peuvent solliciter les structures de
pharmacovigilance pour toute information utile.
Enfin,
il y aurait lieu de s’interroger sur le statut juridique de l’enfant à naître
(embryon, fœtus). Selon l’adage « Infans
conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur » :
L’enfant conçu est considéré comme né chaque fois qu’il y a avantage. Mais, ce
point est une autre affaire…
Autres
lectures (non exhaustives) :
La
revue « Prescrire rejoint l’analyse du pharmacien choletais ». Cliquer ici