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samedi 19 janvier 2013

Utilisation des "nouveaux" médicaments anti-coagulants : Alerte sanitaire à Madame, Monsieur le Député


Madame, Monsieur le Député,

Les patients concernés connaissent les médicaments anticoagulants appelés anti-vitamine k (AVK).

Pour éviter un surdosage (hémorragie) ou une inefficacité (thrombose) avec ces (AVK), on doit surveiller de façon rigoureuse notamment la valeur d’un test biologique nommé INR (International normalized ratio). Cette surveillance biologique est régulièrement jugée contraignante par les patients et les professionnels de santé. D’autant plus que, chez certains patients, la valeur de cet INR semble difficile à équilibrer.

Récemment, de nouveaux médicaments anticoagulants ont été commercialisés. Leur utilisation, en pratique, me conduit à adresser cette alerte pour plusieurs raisons.

L’absence de test de surveillance, avec ces nouveaux médicaments, ne doit pas être confondue avec « la surveillance n’est plus nécessaire » …

L’utilisation de ces nouveaux produits semble a priori plus simple. Car, il n’existe pas, pour l’instant, de test de surveillance de l’hémostase (comme l’INR).

Mais, ce fait rend difficile la détection d’un éventuel surdosage avant la survenue d’une hémorragie.

Dans la pratique, je constate que cette « absence » de test de surveillance serait interprétée par certains, dont des professionnels de santé, comme un avantage. Aussi, cet argument conduirait-il aux conséquences suivantes que j’ai notées :

1.    Une baisse de la vigilance face notamment au risque hémorragique connu avec tous les anticoagulants, nouveaux comme anciens. Ce risque peut être fatal.

La prudence est pourtant nécessaire d’autant plus que ces nouveaux anticoagulants ne disposent pas d’antidotes (en cas de surdosage) contrairement aux anciens médicaments (AVK).

Les professionnels de santé sont pourtant invités à renforcer la surveillance d’autres paramètres (comme le fonctionnement des reins) chez les patients concernés.

2.    La prescription systématique de ces nouveaux produits en première intention malgré les avis contraires et recommandations rendus par notamment la Revue Prescrire (revue professionnelle indépendante) ; par la commission de la transparence de la haute autorité de santé (HAS) ; et par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

3.    Augmentation de la dépense médicamenteuse liée à la prescription de ces nouveaux produits alors même que, par exemple, la commission de la transparence de la haute autorité de santé (HAS) considère que ces nouveaux médicaments n’apportent pas « d’amélioration du service médical rendu (ASMR niveau V) par rapport aux anticoagulants anti-vitamine k (AVK). »

Ces conséquences sont liées notamment au mésusage (non-respect des recommandations ad hoc par exemple). Elles pourraient nuire à la réputation même de ces nouveaux médicaments. Alors même que parmi ces derniers, certains constitueraient, peut-être, une alternative. Et, en particulier pour les patients chez qui l’équilibre de l’INR (sous AVK) semble difficile à obtenir.

Il serait donc souhaitable que les prescripteurs, les pharmaciens, les représentants de la caisse primaire d’assurance maladie, les pouvoirs publics, … etc. puissent mesurer, dès à présent, la portée d’un tel mésusage.

Proposition d’une action utile au sein de chaque territoire

Au sein de notre territoire Choletais par exemple, sous l’Egide de Monsieur le Député, et dans l’intérêt premier de tout patient potentiel, mais aussi dans l’intérêt des professionnels de santé et de la Collectivité, je sollicite votre aide pour l’organisation d’un temps de formation / information / échange sur ce thème ; en ma qualité de pharmacien praticien hospitalier responsable du CTIAP (centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutiques) notamment, (et de l’unité de pharmacovigilance et de la coordination des vigilances sanitaires au centre hospitalier de Cholet).

Cette rencontre pourrait intéresser tous les Choletais : patients, professionnels de santé (prescripteurs, pharmaciens, … etc.), représentants de la caisse primaire d’assurance maladie, … etc.

Une telle initiative pourrait contribuer à éviter quelques éventuelles déconvenues et mauvaises surprises. Prévisibles …

En restant attentif à toute autre action que vous jugeriez utile pour éviter un éventuel nouveau « scandale » sanitaire,

Dans l’attente,

Bien à vous.
 
 
 

vendredi 11 janvier 2013

Les deux sous d'un effet indésirable, évitable, et présumé médicamenteux : Qui devrait s'acquitter de la facture ?


On pourrait écrire un livre sur chaque médicament si on le souhaitait.

Tout médicament peut entraîner un effet indésirable chez le patient. Cet effet indésirable peut être fréquent ou rare, connu ou inattendu, prévisible ou imprévisible, grave ou non grave. Je rappelle que pour un médicament, on parle de rapport « bénéfice / risque ».

Cet effet indésirable peut se produire soit dans le cadre d’une utilisation conforme et normale du médicament ; soit à la suite d’un mésusage [mauvaise utilisation ; erreur médicamenteuse ; prescription, dispensation et administration non conformes aux mentions légales et aux données acquises de la science ; … etc.] dudit médicament.

Souvent, un patient qui développe un effet indésirable présumé médicamenteux est dirigé vers l’hôpital public. Ce dernier est amené à prendre en charge les conséquences d’un tel effet. Dans ce cadre, le service des urgences d’un hôpital public pourrait être considéré comme un Observatoire de l’iatrogénèse médicamenteuse [évènements indésirables liés aux médicaments] qui converge vers l’hôpital.

Cette prise en charge génère notamment ce qu’on appelle une « valorisation du séjour » (Cf. tarification à l’activité) pour l’hôpital public. De façon schématique, en quelque sorte, l’hôpital gagnerait des « euros », des « sous », à la suite du passage du patient dans « ses murs ».

Mais, et sauf erreur de ma part, le montant de ces « euros » ne serait-il pas inférieur aux dépenses réelles engagées par l’hôpital public pour satisfaire convenablement à cette prise en charge ?

En effet, quel est le coût global généré suite à la mobilisation de toutes les ressources de l’hôpital tout le long du parcours du patient ? (Accueil du patient au service des urgences ; formalités administratives d’enregistrement ; prises en charge médicale, pharmaceutique, infirmière ; examens biologiques ; examens d’exploration ; hospitalisation ; rédaction des documents destinés au dossier patient comme le compte-rendu d’hospitalisation ; signalement règlementaire de pharmacovigilance ; … etc.)

Quel est le coût global supplémentaire pour la collectivité ? (Transports, arrêt de travail, … etc.)

Par conséquent, certaines questions pourraient être soulevées :

-     L’hôpital public pourrait-il prétendre au remboursement de la somme intégrale générée par la prise en charge de cet effet indésirable ? Un effet dont il n’est en rien responsable !

-     Qui devrait payer la « note » ?

-     L’hôpital public devrait-il continuer, par exemple, à prendre en charge les conséquences des prescriptions effectuées par des praticiens exerçant dans des cliniques privées ? (Convergence tarifaire aurait-on affirmé …)

-     De façon générale et imagée, l’hôpital public devrait-il assurer le « service après-vente » d’un produit « vendu » par une autre « entreprise » ?

-     Et, dans le cas où la prescription, la dispensation et l’administration du médicament continuent de s’effectuer en méconnaissance des mentions légales et des données acquises de la science ; et malgré les alertes émises ; ne devrait-on pas songer à soumettre éventuellement la facture aux responsables d’une telle attitude ? (Une façon de les inviter à mesurer et à évaluer, de façon sérieuse, le bien-fondé de leurs futurs actes.)

Enfin, l’effet indésirable, prévisible et évitable, ne contribuerait-il pas à encombrer les services des urgences des hôpitaux publics ? (Cf. les problèmes de lits, … etc.)