Un
récent rapport du Ministère, établi par des inspecteurs santé sécurité au
travail, relate la situation dans les agences
régionales de santé (ARS) notamment. (Cliquer ici)
L'ARS prétend gérer les hôpitaux publics.
Les mécanismes,
décrits dans ce rapport, rappellent ceux observés dans un hôpital public.
Ce
document vient confirmer davantage le bien-fondé de mes écritures et alertes antérieures. Un désaveu de la direction générale de l'ARS.
Lisons
quelques extraits de ce rapport :
« …
Une perte de performance qui est dommageable à la santé publique, donc à la
population.
Le poids des interventions extérieurs. L’indépendance mise en question. En ARS : il est arrivé, même si ce
n’est pas une situation quotidienne, que la
hiérarchie demande à un médecin
inspecteur de modifier la
rédaction d’un rapport, voire
qu’elle apporte elle-même la modification si le médecin n’obtempérait pas. Nous
dénonçons les conflits de mission qui ont cours dans les ARS conduisant parfois
la hiérarchie à faire pression sur les
inspecteurs – pharmaciens inspecteurs
de santé publique – pour changer le
contenu de tel rapport ou avis technique afin qu’il puisse
« coller » avec d’autres orientations basées sur d’autres enjeux
(risque politique, médiatique…). Les inspections réalisées
sont très souvent en conflit avec les intérêts stratégiques de la Direction.
Les ARS ne résistent pas à la pression politique. Les conflits d’intérêt nés de recrutements trop locaux sont aussi un
facteur problématique.
Un fort
mal-être au travail… comportements méprisants,
déni de la qualité, atteinte dégradante, agressions verbales, peur
au travail, conflits de valeurs,
difficultés liées au pilotage et à la conduite d’équipes… Ce déni a provoqué
une forte aggravation de la souffrance…
Suicides,
tentatives de suicides...
Exercice d’un droit de retrait…
Des
drames se
sont produits au cours de ces dernières années, suicides ou décès survenus sur le lieu de travail…
Les suicides de deux inspecteurs du travail en 2011 et 2012 ont été
reconnus comme accidents de service.
« Vous exprimez tous une
souffrance, un sentiment de perte de
sens et de repères »…
« Enquête sur le vécu au travail
des pharmaciens inspecteurs de santé
publique affectés dans les ARS »…
Quel
mépris de ce
que nous sommes… Une absence de
considération… La désinvolture de la
hiérarchie, le mépris du petit
personnel… L’asymétrie de l’information fait des ravages (la direction prend les agents pour des abrutis dans la mesure où elle ne leur communique pas les
informations stratégiques, utiles à leur travail)…
En ARS : …on a évoqué une véritable maltraitance institutionnelle…
Indifférence de la hiérarchie…
Humiliations par rapport aux compétences, non
reconnaissance de l’expertise
antérieure… Infantilisation et
non-respect de l’individu par la hiérarchie très supérieure… Les agents se
sentent considérés comme des pions et
des idiots… Non exploitation des
compétences des agents. Pas de prise en compte des savoir-faire des agents
auxquels on impose des méthodes de
travail… qu’ils jugent inadaptés, inefficaces…
En ARS : Des agents ont été promus selon le bon vouloir des nouvelles
directions, sans tenir compte des règles élémentaires de toute administration.
D’autres ont été rétrogradés de façon
humiliante et sans explication. Utilisation peu pertinente des ressources médicales… Les affectations
se sont faites de manière cavalière…
(Rapport de l’inspection générale des affaires sociales –IGAS – sur la gestion des ressources humaines dans les ARS)…
La
culpabilisation… On
nous fixe des objectifs totalement
déconnectés des réalités sociales et du terrain… On se sent lâché, avec le
sentiment que le seul appui de la hiérarchie consiste à nous appuyer la tête sous l’eau…
Climat
de méfiance… En
ARS… Le dialogue social a été réduit à sa plus simple expression… A
coups de mots d’ordre « vous êtes
maintenant en ARS et les pratiques doivent changer »…
Les attitudes et décisions néfastes des équipes dirigeantes des ARS… Pratiques managériales destructrices, signalées par les organisations syndicales, les CHSCT des ARS et
même certains préfets, sans que le
ministère, le SG, la DRH, le CNP, ne s’en émeuvent le moins du monde. Les
professionnels sont surtout exaspérés par la façon dont ils sont infantilisés et maltraités, et par l’incompétence managériale qu’ils
constatent sur les questions majeures de
santé publique.
Perte
de sens du travail, travail « empêché »… La
primauté donnée aux remontées
statistiques… Il arrivera un moment où nous ne pourrons plus travailler, où
nous ne pourrons plus rendre aux usagers
le service qu’ils sont en droit d’attendre…
Alors que les ARS ont été créées pour
permettre une meilleure transversalité dans l’approche des questions de santé en France, elles sont elles-mêmes extrêmement cloisonnées à l’intérieur !
Leur organisation interne est contradictoire
avec l’objectif politique de transversalité.
A coup de « les DDASS-DRASS c’est fini ! »… Vous n’avez plus le droit de parler aux
préfets ni de contacter les ingénieurs de la direction générale de la santé…
En ARS : On m’a interdit d’aider les médecins à faire
leur secrétariat. Comme il n’y a pas de secrétaire, les médecins sont obligés
de faire eux-mêmes et c’est du temps
pris sur leur travail d’expertise…
De
plus en plus de niveaux hiérarchiques. Une chaîne hiérarchique longue comme
un jour sans pain. Absence de
lisibilité de la ligne hiérarchique... De plus en plus de procédures disciplinaires et de « chefaillons »…
L’absence
d’arbitrage.
Beaucoup plus de hiérarchie mais on ne sait plus qui peut dire non au préfet…
L’absence d’intervention est analysée comme un laisser-aller, une inertie, qui peut mener au « pourrissement de la situation ». Manque de courage de
la direction, non prise de responsabilité… Ordres et contre-ordres…
Une
hiérarchie toujours absente car
prise d’une folie de réunionnite qui
l’empêche de voir, d’écouter… Une hiérarchie qui se place bien souvent, trop
souvent, sur le terrain disciplinaire
au détriment d’un encadrement tel qu’il existait auparavant… Notre hiérarchie expose, impose, vérifie, soupçonne,
sermonne, menace, sanctionne… mais n’écoute pas, ou si peu…
Avant, on avait une hiérarchie de
sachants, des directeurs adjoints spécialisés sur certains points ; elle
venait en appui… ce rôle n’est pas exercé pour l’instant…
Les réunions rendues systématiquement
obligatoires ne servent qu’à transmettre des injonctions et ne laisse aucune
place pour l’échange.
Manque d’appui technique surtout de la
part de managers ayant des
compétences administratives mais n’ayant pas
la formation technique adaptée aux missions qu’ils encadrent.
Ordres
et contre-ordres… Critères opaques… Injonctions paradoxales… Arbitraire
des décisions… Modification des postes de travail : on transfère des tâches d’un agent à un
autre du jour au lendemain, sans
formation et sans concertation. Sentiment de subir des décisions sans échange et transparence. Entre les effectifs qui
diminuent mais pas le travail, les renforcements
à « l’aveuglette » de certains services et comme par hasard pas ceux qui ont cruellement besoin d’aide,
les directives insensées où il ne
s’agit que de faire du vent. Les changements d’affectation
unilatéralement imposés par les directions sans que le personnel concerné n’ait
de réelle possibilité de choix…
La hiérarchie
intermédiaire aussi et sous pression.
Pas forcément mieux que nous. Des cadres indiquent que leur mission « relève d’un sacerdoce, voire d’une
galère ». « Si j’avais su je n’aurais jamais accepté ce
poste »… L’encadrement intermédiaire est absorbé « par le haut » et par des injonctions externes…
Diviser
pour mieux régner, mot d’ordre de la direction.
Les
quatre directeurs se font la guerre, ils sont en compétition permanente : c’est à celui qui rendra ce
qu’on nous demande le plus tôt. Ils ne
pensent qu’à leur carrière, à monter en grade, et oublient l’objectif de leur poste, ce pourquoi ils ont été recrutés…
On
passe plus de temps à saisir ce
que l’on fait plutôt que d’être sur le terrain. Dès le départ, ce logiciel n’a pas été adapté aux
réalités de service… Manque d’anticipation
pour lequel les agents n’ont pas été formés et dont l’organisation n’a pas été
pensée préalablement à sa mise en place. Trop de demandes de statistiques qui au final ne sont pas exploités.
C’est le triomphe de la technocratie. Tout le monde fait des tableaux, et
personne ne sait à quoi ça sert.
Avec les ARS s’est également amplifiée
l’obsession du « reporting », chronophage et pas nécessairement
adapté à des sujets peu traduisibles en chiffres. La grande souffrance professionnelle des personnels qui suffoquent sous les procédures, les outils
informatiques dysfonctionnels…
Du « chiffre », toujours du
« chiffre »…
Développement de la précarité particulièrement en ARS… Le sentiment d’abandon par les institutions d’origine est prégnant parmi les personnels…
En ARS : une gestion…
autocratique… Concernant les promotions :
des propositions prioritaires d’agents
non éligibles, modification sans
explication des classements d’une année à l’autre, propositions à peine
soutenues par les appréciations. Des
postes vacants ne sont pas déclarés et des postes déclarés ne sont pas vacants…
Une
mise à l’écart d’Inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, IASS (postes vacants non pourvus et
aussi postes réservés désormais à d’autres) ou au profit de contractuels recrutés sur la base de
profils « spécialisés » et surtout plus malléables que les IASS mais qui n’ont aucune culture sanitaire et médico-sociale. On voit ainsi des
carrières fulgurantes : des
jeunes contractuels sans aucune
expérience d’encadrement promus
chefs de pôle, des sous-directeurs ou directeurs délégués issus de cabinets
de consultants qui ne connaissent rien
des règles…, pendant que les
IASS sont jugés juste bons à gérer les dossiers du quotidien car il faut bien
que quelqu’un fasse, malgré tout, le travail de fond…
Isolement des agents, repli sur soi… l’individualisme
(sauvegarder sa place, ses conditions de travail au mépris de celles des
autres) à l’origine de conflits entre
collègues dont la résolution n’est pas
le souci de la direction…
La stabilité des équipes n’est pas
encore acquise, induisant un sentiment de discontinuité, facteur d’insécurité.
Lenteur
des réponses face
à la souffrance au travail. Le système
est en proie à une quasi inertie : …soit une absence de réponse devant
des situations de malaise même graves, soit l’existence de « début de
réponse » mais partielle, donc inefficace, ou trop tardive, la situation
s’étant dégradée et conduisant parfois au
pire.
Ces alertes incessantes n’ont eu aucun
effet, et nous le regrettons très amèrement.
Un mode
de gestion des crises qui mise avant tout sur le silence et la durée,
censés régler les situations difficiles grâce à l’usure du temps ?
Une perte d’identité professionnelle des agents aboutissant à une profonde résignation.
Avec d’évidents impacts économiques négatifs.
Des
obstacles significatifs à l’atteinte de l’efficience existent à tous les niveaux mobilisant
une énergie considérable consacrée à « faire fonctionner » à grand
peine les services…
C’est
le « silence » et « l’inertie » qui priment.
Harcèlement
moral…
La Mission d’évaluation et de contrôle
de la sécurité sociale (Mecss) dans son récent rapport d’information – n°400
(2013-2014) « Les agences régionales de santé : une innovation
majeure, un déficit de confiance »
indique qu’il faut « résoudre le
lien social à l’intérieur des ARS », « démocratiser la gouvernance et accroître la transparence »…
L’appréciation portée sur les actions
de l’agence dépend de manière sensible de la
personnalité de son directeur général. Pour s’extraire de cette logique, un
meilleur équilibre des pouvoirs doit
être recherché, tant dans la gestion interne que dans la composition et le rôle
du conseil de surveillance.
Une claire priorité doit donc être
accordée par les autorités de tutelle à l’amélioration du climat social dans les agences…
Ces
mots
donnent corps à des inquiétudes et attentes, ils donnent des éléments de
compréhension, et par leur nombre, leur diversité, leur tonalité directe, ils imposent aux pouvoirs publics d’en
tenir compte pleinement sans se limiter à des approches synthétiques qui édulcorent les propos…
… »
Quant
à notre hôpital public… En tout cas, on pourrait désormais tenter de mieux comprendre l'absence de réaction face aux nombreuses alertes transmises, et malgré les preuves écrites les mieux établies.