vendredi 3 octobre 2014

Rapport ministériel sur l'ARS... : une logique "mortifère", un système "destructeur"...


Un récent rapport du Ministère, établi par des inspecteurs santé sécurité au travail, relate la situation dans les agences régionales de santé (ARS) notamment. (Cliquer ici)

L'ARS prétend gérer les hôpitaux publics.

Les mécanismes, décrits dans ce rapport, rappellent ceux observés dans un hôpital public.

Ce document vient confirmer davantage le bien-fondé de mes écritures et alertes antérieures. Un désaveu de la direction générale de l'ARS.


Lisons quelques extraits de ce rapport :

« …

Une perte de performance qui est dommageable à la santé publique, donc à la population.

Le poids des interventions extérieurs. L’indépendance mise en question. En ARS : il est arrivé, même si ce n’est pas une situation quotidienne, que la hiérarchie demande à un médecin inspecteur de modifier la rédaction d’un rapport, voire qu’elle apporte elle-même la modification si le médecin n’obtempérait pas. Nous dénonçons les conflits de mission qui ont cours dans les ARS conduisant parfois la hiérarchie à faire pression sur les inspecteurspharmaciens inspecteurs de santé publique – pour changer le contenu de tel rapport ou avis technique afin qu’il puisse « coller » avec d’autres orientations basées sur d’autres enjeux (risque politique, médiatique…). Les inspections réalisées sont très souvent en conflit avec les intérêts stratégiques de la Direction. Les ARS ne résistent pas à la pression politique. Les conflits d’intérêt nés de recrutements trop locaux sont aussi un facteur problématique.

Un fort mal-être au travail… comportements méprisants, déni de la qualité, atteinte dégradante, agressions verbales, peur au travail, conflits de valeurs, difficultés liées au pilotage et à la conduite d’équipes… Ce déni a provoqué une forte aggravation de la souffrance

Suicides, tentatives de suicides...

Exercice d’un droit de retrait

Des drames se sont produits au cours de ces dernières années, suicides ou décès survenus sur le lieu de travail

Les suicides de deux inspecteurs du travail en 2011 et 2012 ont été reconnus comme accidents de service.

« Vous exprimez tous une souffrance, un sentiment de perte de sens et de repères »…

« Enquête sur le vécu au travail des pharmaciens inspecteurs de santé publique affectés dans les ARS »…

Quel mépris de ce que nous sommes… Une absence de considération… La désinvolture de la hiérarchie, le mépris du petit personnel… L’asymétrie de l’information fait des ravages (la direction prend les agents pour des abrutis dans la mesure où elle ne leur communique pas les informations stratégiques, utiles à leur travail)…

En ARS : …on a évoqué une véritable maltraitance institutionnelle

Indifférence de la hiérarchie…

Humiliations par rapport aux compétences, non reconnaissance de l’expertise antérieure… Infantilisation et non-respect de l’individu par la hiérarchie très supérieure… Les agents se sentent considérés comme des pions et des idiotsNon exploitation des compétences des agents. Pas de prise en compte des savoir-faire des agents auxquels on impose des méthodes de travail… qu’ils jugent inadaptés, inefficaces…

En ARS : Des agents ont été promus selon le bon vouloir des nouvelles directions, sans tenir compte des règles élémentaires de toute administration. D’autres ont été rétrogradés de façon humiliante et sans explication. Utilisation peu pertinente des ressources médicales… Les affectations se sont faites de manière cavalière… (Rapport de l’inspection générale des affaires sociales –IGAS – sur la gestion des ressources humaines dans les ARS)…

La culpabilisation… On nous fixe des objectifs totalement déconnectés des réalités sociales et du terrain… On se sent lâché, avec le sentiment que le seul appui de la hiérarchie consiste à nous appuyer la tête sous l’eau

Climat de méfiance… En ARS… Le dialogue social a été réduit à sa plus simple expression… A coups de mots d’ordre « vous êtes maintenant en ARS et les pratiques doivent changer »

Les attitudes et décisions néfastes des équipes dirigeantes des ARS… Pratiques managériales destructrices, signalées par les organisations syndicales, les CHSCT des ARS et même certains préfets, sans que le ministère, le SG, la DRH, le CNP, ne s’en émeuvent le moins du monde. Les professionnels sont surtout exaspérés par la façon dont ils sont infantilisés et maltraités, et par l’incompétence managériale qu’ils constatent sur les questions majeures de santé publique.

Perte de sens du travail, travail « empêché »… La primauté donnée aux remontées statistiques… Il arrivera un moment où nous ne pourrons plus travailler, où nous ne pourrons plus rendre aux usagers le service qu’ils sont en droit d’attendre…

Alors que les ARS ont été créées pour permettre une meilleure transversalité dans l’approche des questions de santé en France, elles sont elles-mêmes extrêmement cloisonnées à l’intérieur ! Leur organisation interne est contradictoire avec l’objectif politique de transversalité.

A coup de « les DDASS-DRASS c’est fini ! »Vous n’avez plus le droit de parler aux préfets ni de contacter les ingénieurs de la direction générale de la santé

En ARS : On m’a interdit d’aider les médecins à faire leur secrétariat. Comme il n’y a pas de secrétaire, les médecins sont obligés de faire eux-mêmes et c’est du temps pris sur leur travail d’expertise

De plus en plus de niveaux hiérarchiques. Une chaîne hiérarchique longue comme un jour sans pain. Absence de lisibilité de la ligne hiérarchique... De plus en plus de procédures disciplinaires et de « chefaillons »

L’absence d’arbitrage. Beaucoup plus de hiérarchie mais on ne sait plus qui peut dire non au préfet… L’absence d’intervention est analysée comme un laisser-aller, une inertie, qui peut mener au « pourrissement de la situation ». Manque de courage de la direction, non prise de responsabilité… Ordres et contre-ordres…

Une hiérarchie toujours absente car prise d’une folie de réunionnite qui l’empêche de voir, d’écouter… Une hiérarchie qui se place bien souvent, trop souvent, sur le terrain disciplinaire au détriment d’un encadrement tel qu’il existait auparavant… Notre hiérarchie expose, impose, vérifie, soupçonne, sermonne, menace, sanctionne… mais n’écoute pas, ou si peu…

Avant, on avait une hiérarchie de sachants, des directeurs adjoints spécialisés sur certains points ; elle venait en appui… ce rôle n’est pas exercé pour l’instant…

Les réunions rendues systématiquement obligatoires ne servent qu’à transmettre des injonctions et ne laisse aucune place pour l’échange.

Manque d’appui technique surtout de la part de managers ayant des compétences administratives mais n’ayant pas la formation technique adaptée aux missions qu’ils encadrent.

Ordres et contre-ordresCritères opaquesInjonctions paradoxalesArbitraire des décisions… Modification des postes de travail : on transfère des tâches d’un agent à un autre du jour au lendemain, sans formation et sans concertation. Sentiment de subir des décisions sans échange et transparence. Entre les effectifs qui diminuent mais pas le travail, les renforcements à « l’aveuglette » de certains services et comme par hasard pas ceux qui ont cruellement besoin d’aide, les directives insensées où il ne s’agit que de faire du vent. Les changements d’affectation unilatéralement imposés par les directions sans que le personnel concerné n’ait de réelle possibilité de choix…

La hiérarchie intermédiaire aussi et sous pression. Pas forcément mieux que nous. Des cadres indiquent que leur mission « relève d’un sacerdoce, voire d’une galère ». « Si j’avais su je n’aurais jamais accepté ce poste »… L’encadrement intermédiaire est absorbé « par le haut » et par des injonctions externes

Diviser pour mieux régner, mot d’ordre de la direction.

Les quatre directeurs se font la guerre, ils sont en compétition permanente : c’est à celui qui rendra ce qu’on nous demande le plus tôt. Ils ne pensent qu’à leur carrière, à monter en grade, et oublient l’objectif de leur poste, ce pourquoi ils ont été recrutés

On passe plus de temps à saisir ce que l’on fait plutôt que d’être sur le terrain. Dès le départ, ce logiciel n’a pas été adapté aux réalités de service… Manque d’anticipation pour lequel les agents n’ont pas été formés et dont l’organisation n’a pas été pensée préalablement à sa mise en place. Trop de demandes de statistiques qui au final ne sont pas exploités.

C’est le triomphe de la technocratie. Tout le monde fait des tableaux, et personne ne sait à quoi ça sert.

Avec les ARS s’est également amplifiée l’obsession du « reporting », chronophage et pas nécessairement adapté à des sujets peu traduisibles en chiffres. La grande souffrance professionnelle des personnels qui suffoquent sous les procédures, les outils informatiques dysfonctionnels

Du « chiffre », toujours du « chiffre »…

Développement de la précarité particulièrement en ARS… Le sentiment d’abandon par les institutions d’origine est prégnant parmi les personnels…

En ARS : une gestion… autocratique… Concernant les promotions : des propositions prioritaires d’agents non éligibles, modification sans explication des classements d’une année à l’autre, propositions à peine soutenues par les appréciations. Des postes vacants ne sont pas déclarés et des postes déclarés ne sont pas vacants

Une mise à l’écart d’Inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, IASS (postes vacants non pourvus et aussi postes réservés désormais à d’autres) ou au profit de contractuels recrutés sur la base de profils « spécialisés » et surtout plus malléables que les IASS mais qui n’ont aucune culture sanitaire et médico-sociale. On voit ainsi des carrières fulgurantes : des jeunes contractuels sans aucune expérience d’encadrement promus chefs de pôle, des sous-directeurs ou directeurs délégués issus de cabinets de consultants qui ne connaissent rien des règles…, pendant que les IASS sont jugés juste bons à gérer les dossiers du quotidien car il faut bien que quelqu’un fasse, malgré tout, le travail de fond…

Isolement des agents, repli sur soil’individualisme (sauvegarder sa place, ses conditions de travail au mépris de celles des autres) à l’origine de conflits entre collègues dont la résolution n’est pas le souci de la direction

La stabilité des équipes n’est pas encore acquise, induisant un sentiment de discontinuité, facteur d’insécurité.

Lenteur des réponses face à la souffrance au travail. Le système est en proie à une quasi inertie : …soit une absence de réponse devant des situations de malaise même graves, soit l’existence de « début de réponse » mais partielle, donc inefficace, ou trop tardive, la situation s’étant dégradée et conduisant parfois au pire.

Ces alertes incessantes n’ont eu aucun effet, et nous le regrettons très amèrement.

Un mode de gestion des crises qui mise avant tout sur le silence et la durée, censés régler les situations difficiles grâce à l’usure du temps ?

Une perte d’identité professionnelle des agents aboutissant à une profonde résignation.

Avec d’évidents impacts économiques négatifs.

Des obstacles significatifs à l’atteinte de l’efficience existent à tous les niveaux mobilisant une énergie considérable consacrée à « faire fonctionner » à grand peine les services…

C’est le « silence » et « l’inertie » qui priment.

Harcèlement moral…

La Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) dans son récent rapport d’information – n°400 (2013-2014) « Les agences régionales de santé : une innovation majeure, un déficit de confiance » indique qu’il faut « résoudre le lien social à l’intérieur des ARS », « démocratiser la gouvernance et accroître la transparence »

L’appréciation portée sur les actions de l’agence dépend de manière sensible de la personnalité de son directeur général. Pour s’extraire de cette logique, un meilleur équilibre des pouvoirs doit être recherché, tant dans la gestion interne que dans la composition et le rôle du conseil de surveillance.

Une claire priorité doit donc être accordée par les autorités de tutelle à l’amélioration du climat social dans les agences

Ces mots donnent corps à des inquiétudes et attentes, ils donnent des éléments de compréhension, et par leur nombre, leur diversité, leur tonalité directe, ils imposent aux pouvoirs publics d’en tenir compte pleinement sans se limiter à des approches synthétiques qui édulcorent les propos…

… »

Quant à notre hôpital public… En tout cas, on pourrait désormais tenter de mieux comprendre l'absence de réaction face aux nombreuses alertes transmises, et malgré les preuves écrites les mieux établies.