« Mandataire
du peuple, je ferai ce que je croirai le plus conforme à ses intérêts. Il m’a
envoyé pour exposer mes idées et non les siennes. »
Condorcet, 1791
Si l’on croit les différents canaux de
communication (la presse), et sauf erreur de ma part qu’il conviendrait alors de
bien vouloir excuser,
L’Homme (femme et homme) a fondé une
famille, une tribu, un peuple, une population, une nation, un Etat. Mais, il
semble être toujours à la recherche d’un gouvernement.
On dirait que l’Homme adore contempler
les conséquences de ses erreurs.
La France, notamment, préfèrerait-elle la
gestion des crises à celle des alertes et de la prévention ?
En ce début d’année 2015, un drame se
produit sur le sol français. Aucun argument ne peut le justifier. Il y a lieu
de tenter d’identifier ses causes réelles et de les analyser. Avant de mettre
en œuvre, de façon effective, des mesures correctives et surtout préventives.
Le but étant de supprimer le risque ; du moins le minimiser. Pour éviter
qu’un nouveau drame ne se reproduise.
Fin de l’année 2014, la minimisation des
prodromes et l’ignorance des signes d’alertes
La France semble effritée. Le processus
de son délabrement est amorcé de longues dates. Des tensions sont enregistrées
dans plusieurs domaines (politique, social, économique, etc.). Des citoyens,
dont des policiers et des inspecteurs de santé publique - médecins et
pharmaciens -, se suicident (Cliquer ici). Le malaise est général. Le désordre a pénétré
toutes les institutions de l’Etat. Et notamment l’Education, la Justice et la
Santé. Trois missions régaliennes interdépendantes qui s’émiettent. Celles-ci
sont rudement touchées. Elles sont en souffrance. Dans l’indifférence quasi-générale. Un déni de réalité. Malgré les alertes ascendantes orales et écrites
des citoyens.
La voix des citoyens est inaudible. Leur
écrit est invisible. A ce décor s’ajoutent la confusion linguistique et la paralysie du droit.
Début 2015 : le drame. Et une
démarche citoyenne détournée de sa finalité initiale
Le drame survient.
Une démarche citoyenne s’organise
spontanément. Le politique s’y invite. Les slogans, offrant de multiples
interprétations possibles, s’affichent. La lucidité cède à la légitime émotion.
Brusquement, les entrepreneurs de la
désunion appellent à l’union. Les promoteurs de la haine se déguisent en
plaideurs pour la paix. Les éditeurs de la violence structurelle se
transforment en hauts parleurs de l’apaisement. Les censeurs d’hier se seraient
convertis en prédicateurs de la liberté.
De la liberté d’expression notamment.
La marche citoyenne serait récupérée,
parasitée, par un carnaval politique. Dont certains éprouvent quelques difficultés
à endosser le costume, malgré leur tentative d’essai.
L’hypocrisie dévoile la médiocrité.
Après les païens, les chrétiens, les
juifs… Persécution chronique des musulmans. L’urgente institutionnalisation, la
nécessaire rationalisation
Une partie des citoyens est davantage
stigmatisée. Je pense notamment à la communauté arabo-musulmane. Et à celle à
l’« apparence » arabo-musulmane. Devrais-je être chrétien pour
pouvoir défendre les chrétiens, juif pour défendre les juifs, musulman pour
défendre les musulmans ? Il y a donc lieu d’éviter d’essayer de m’attribuer
telle ou telle appartenance vraie ou supposée à telle ou telle croyance religieuse
ou autre ; comme je l’ai rappelé dans mon dernier article intitulé : « Réponse à Luc BESSON suite à votre
lettre aux musulmans : Un casier judiciaire chargé serait-il mieux qu’un
C.V. fourni ? » (Cliquer ici)
Après les périodes de persécution des
païens, des chrétiens, des juifs, etc., le début du XXIe siècle
aurait été celui de la persécution des musulmans. Cette persécution est
encouragée par la confusion linguistique promue par certains journalistes et
quelques politiques. Sans doute à cause de leur ignorance, de leur
méconnaissance de la langue arabe littéraire, de leur suffisance, de leur paresse
intellectuelle. Par exemple, le mot « Djihad »
est vidé de son sens originel. L’objectif est déformé. On ignore même la
différence entre « mouslim »
et « moumin ». Par un
emploi inapproprié du mot « islamiste »,
on jette le trouble dans les esprits en établissant un lien, sémantique et
psychologique, entre « islam »
et comportements déviants. Etc.
A mon sens, les citoyens de confession
musulmane seraient d’abord victimes de leur inertie. De leur acceptation de la
fatalité. De leur résignation. De leur propre organisation désordonnée. Ils
souffriraient de l’absence d’une autorité véritable qui pourrait sérieusement
les représenter. La désignation de cette autorité ne saurait être ni descendante ni téléguidée. Cette autorité devrait pouvoir bénéficier d’une indépendance intellectuelle,
politique, religieuse, financière et morale. La foire devrait céder à
l’institutionnalisation de la discipline. Voire même à l’instauration de
véritables structures d’études théologiques. La précision devrait supplanter
l’approximation. Il en va de la renaissance des valeurs de la civilisation
arabo-musulmane.
Liberté d’opinion et son corollaire la
liberté d’expression : une justice de patriciens dictée par
l’exécutif ?
Suite à la légitime émotion inhérente au
drame, le politique ne pourrait cependant s’adjuger le droit d’imposer, dans un
schéma préconçu et simple, le même mode de pensée à tous les divers individus qui
composent la mosaïque de la population.
Que signifie finalement la liberté
d’expression ? La confusion est totale. Elle mériterait, peut-être, une saisine
du Conseil Constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité.
Il est pour le moins surprenant
d’entendre aujourd’hui les propos du Ministre de la justice, et Garde des
sceaux, selon laquelle « On peut
tout dessiner, y compris un prophète [des musulmans] parce qu’en France, pays de Voltaire et de l’irrévérence, on a le
droit de se moquer de toutes les religions ». Alors qu’il y a encore
quelques mois, cette même Ministre exprimait publiquement son mécontentement,
c’est peu dire, lorsqu’elle avait été, elle-même, caricaturée. Sa
susceptibilité devrait-elle être mieux prise en compte que celle de plusieurs
millions de musulmans dans le monde ? Par ailleurs, elle semble ignorer l’abolition,
de fait, des frontières inhérente aux moyens actuels de communication.
En France, n’a-t-on pas récemment
censuré d’autres ouvrages qui traitent pourtant du même sujet (sur les
musulmans) ? N’a-t-on pas interdit, à titre préventif, à un artiste de se
produire parce que l’exécutif, notamment, jugeait son humour détestable ?
N’a-t-on pas également instauré, par une source indirecte du droit, un « devoir de réserve » dont le
principe est lui aussi appliqué de façon aléatoire à certains citoyens - fonctionnaires
- ?
Et que penser de cette récente
circulaire spéciale donnant des injonctions exceptionnelles aux procureurs de
la République ? Comme si ces derniers, en temps « normal », ne
faisaient preuve de « fermeté ».
Certains ne pourraient-ils y percevoir un aveu d’un éventuel laxisme du
Ministère public ?
Des voix divergentes, à celles des
maîtres de la parole, que l’on voudrait faire taire en les réprimant devant les
tribunaux, déjà surchargés, et en publiant de nouvelles « lois ». Et
avec une réactivité inhabituelle. Les juges croulent déjà sous les textes et les dossiers. On
se croirait à l’époque du bas-Empire romain. Ou alors, il s’agirait, peut-être,
d’une justice des nouveaux patriciens menée au détriment des nouveaux
plébéiens. Si tel est le cas, il serait temps de convoquer, à nouveau, les
décemvirs.
L’exécutif devrait-il dicter le sens de
la lecture du droit existant ?
Mais, il semblerait que lorsque le droit
bavarde, les citoyens ne lui prêteraient plus qu’une oreille discrète. L’inflation
des textes provoquerait le déclin de la loi.
Liberté d’expression : avis
personnel
A titre personnel, je considère la
liberté d’expression comme un droit inaliénable et inconditionnel. Je lutterais
pour que mon adversaire puisse tout me dire, y compris de ce qu’il y a de plus
détestable. Il m’appartiendrait ensuite de lui répondre par le verbe et la
plume. Sans violence, physique notamment. Car celle-ci pourrait être
interprétée comme la matérialisation, le reflet, d'un manque d’arguments.
Toutefois, ma conception de la liberté
ne me donne pas le droit d’en user dans le seul but de nuire à autrui, de le
provoquer sans cause fondée, de le tourner publiquement en dérision de façon
déraisonnable et irresponsable. La question fondamentale à poser devrait
être : quel est le bénéfice escompté que je recherche par l’usage de cette
liberté d’expression ? Ma liberté s’arrête là où commence celle de mon
voisin. Pourquoi attaquer, gratuitement, les valeurs profondes de mon
voisin ? Un curseur à placer à sa juste position.
Chaque citoyen, bien que libre, devrait
faire de cette liberté un bon usage. De ne pas en abuser.
Le droit positif a consacré ce droit.
Mais, ce même droit positif a également sanctionné l’abus de droit. La première
finalité du droit est de veiller à préserver la paix sociale. Il y a lieu de ne
pas mépriser non plus le droit naturel des gens.
Dans un corps humain, lorsqu’une cellule
refuse d’arrêter sa croissance au contact du périmètre - du domaine - des
autres cellules, elle provoque une tumeur voire un cancer.
Interventions militaires étrangères :
une consultation populaire obligatoire et préalable ?
Tout Etat est souverain. Mais, que
penser des interventions, notamment militaires, sur des territoires étrangers
de tel ou tel autre Etat ? Parfois même de façon unilatérale et en
violation du droit international ?
Nos représentants devraient-ils nous
consulter avant de déclarer la guerre sur d’autres territoires ? Avant de
déranger d’autres peuples et d’agresser leurs us-et-coutumes en voulant leur
imposer, brutalement par la force et la coercition, des modèles différents construits
ailleurs et lentement durant plusieurs siècles ; des concepts exportés auxquels
ces peuples envahis ne sont pas préparés ? Avant de tuer des civils
innocents (enfants, parents, grands-parents, etc.) ; mais dans ce cas, ils
nous répliquent souvent : ce sont des « dommages
collatéraux »… ?
Un Etat qui s’engage dans une guerre ne
mettrait-il pas sa population en danger en exposant celle-ci à des ripostes
adverses ? Le consentement de cette population ne mériterait-il pas d’être
préalablement recueilli avant de s’engager dans une guerre ?
Pourquoi ne pas aménager des zones de
guerre où seuls les décideurs, de cette guerre, iraient s’affronter selon des
modalités à définir en mettant en jeu leur propre vie ?
Les points que je viens d’aborder ne
sont pas exhaustifs. Mais, tel est le sens de ma réflexion.
Ces quelques lignes sont une invitation
à une réconciliation avec la rigueur d’analyse de tel ou tel phénomène simple
en apparence, mais complexe en réalité.
Contemplons ce que Montesquieu soutenait
dans son ouvrage « De l’esprit des lois » : « Le grand avantage des représentants c’est qu’ils sont capables
de discuter les affaires. Le peuple n’y est point du tout propre, ce qui forme
un des grands inconvénients de la démocratie. »
La démocratie qui est aussi « le pire des régimes, à l’exception de
tous les autres » selon Winston Churchill.
Enfin, dans son livre intitulé « L’empire de la honte », paru
en 2005 chez Fayard, Jean Ziegler évoque plusieurs thèmes et notamment :
« du droit au bonheur », « le fantôme de la liberté »,
« la rareté organisée », « la violence structurelle »,
« l’agonie du droit », « la barbarie et son miroir »,
« des armes de destruction massive : la dette, la faim »,
« la reféodalisation du monde », « les droits de l’homme c’est
bien, le marché c’est mieux ! »… Il rappelle notamment une citation
de Régis Debray : « Le choix
est entre un empire exaspérant et un Moyen Age insupportable. »
On dirait que l’Homme refuse d’apprendre
par l’erreur.
Ignorer son Histoire, les Histoires des
autres, nous condamne à la revivre.
Sous toutes réserves.
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