vendredi 16 janvier 2015

La France de 2015 : les leçons d'un drame


« Mandataire du peuple, je ferai ce que je croirai le plus conforme à ses intérêts. Il m’a envoyé pour exposer mes idées et non les siennes. »

Condorcet, 1791

Si l’on croit les différents canaux de communication (la presse), et sauf erreur de ma part qu’il conviendrait alors de bien vouloir excuser,

L’Homme (femme et homme) a fondé une famille, une tribu, un peuple, une population, une nation, un Etat. Mais, il semble être toujours à la recherche d’un gouvernement.

On dirait que l’Homme adore contempler les conséquences de ses erreurs.

La France, notamment, préfèrerait-elle la gestion des crises à celle des alertes et de la prévention ?

En ce début d’année 2015, un drame se produit sur le sol français. Aucun argument ne peut le justifier. Il y a lieu de tenter d’identifier ses causes réelles et de les analyser. Avant de mettre en œuvre, de façon effective, des mesures correctives et surtout préventives. Le but étant de supprimer le risque ; du moins le minimiser. Pour éviter qu’un nouveau drame ne se reproduise.

Fin de l’année 2014, la minimisation des prodromes et l’ignorance des signes d’alertes

La France semble effritée. Le processus de son délabrement est amorcé de longues dates. Des tensions sont enregistrées dans plusieurs domaines (politique, social, économique, etc.). Des citoyens, dont des policiers et des inspecteurs de santé publique - médecins et pharmaciens -, se suicident (Cliquer ici). Le malaise est général. Le désordre a pénétré toutes les institutions de l’Etat. Et notamment l’Education, la Justice et la Santé. Trois missions régaliennes interdépendantes qui s’émiettent. Celles-ci sont rudement touchées. Elles sont en souffrance. Dans l’indifférence quasi-générale. Un déni de réalité. Malgré les alertes ascendantes orales et écrites des citoyens.

La voix des citoyens est inaudible. Leur écrit est invisible. A ce décor s’ajoutent la confusion linguistique et la paralysie du droit.

Début 2015 : le drame. Et une démarche citoyenne détournée de sa finalité initiale

Le drame survient.

Une démarche citoyenne s’organise spontanément. Le politique s’y invite. Les slogans, offrant de multiples interprétations possibles, s’affichent. La lucidité cède à la légitime émotion.

Brusquement, les entrepreneurs de la désunion appellent à l’union. Les promoteurs de la haine se déguisent en plaideurs pour la paix. Les éditeurs de la violence structurelle se transforment en hauts parleurs de l’apaisement. Les censeurs d’hier se seraient convertis en prédicateurs de la liberté.

De la liberté d’expression notamment.

La marche citoyenne serait récupérée, parasitée, par un carnaval politique. Dont certains éprouvent quelques difficultés à endosser le costume, malgré leur tentative d’essai.

L’hypocrisie dévoile la médiocrité.

Après les païens, les chrétiens, les juifs… Persécution chronique des musulmans. L’urgente institutionnalisation, la nécessaire rationalisation

Une partie des citoyens est davantage stigmatisée. Je pense notamment à la communauté arabo-musulmane. Et à celle à l’« apparence » arabo-musulmane. Devrais-je être chrétien pour pouvoir défendre les chrétiens, juif pour défendre les juifs, musulman pour défendre les musulmans ? Il y a donc lieu d’éviter d’essayer de m’attribuer telle ou telle appartenance vraie ou supposée à telle ou telle croyance religieuse ou autre ; comme je l’ai rappelé dans mon dernier article intitulé : « Réponse à Luc BESSON suite à votre lettre aux musulmans : Un casier judiciaire chargé serait-il mieux qu’un C.V. fourni ? » (Cliquer ici)

Après les périodes de persécution des païens, des chrétiens, des juifs, etc., le début du XXIe siècle aurait été celui de la persécution des musulmans. Cette persécution est encouragée par la confusion linguistique promue par certains journalistes et quelques politiques. Sans doute à cause de leur ignorance, de leur méconnaissance de la langue arabe littéraire, de leur suffisance, de leur paresse intellectuelle. Par exemple, le mot « Djihad » est vidé de son sens originel. L’objectif est déformé. On ignore même la différence entre « mouslim » et « moumin ». Par un emploi inapproprié du mot « islamiste », on jette le trouble dans les esprits en établissant un lien, sémantique et psychologique, entre « islam » et comportements déviants. Etc.

A mon sens, les citoyens de confession musulmane seraient d’abord victimes de leur inertie. De leur acceptation de la fatalité. De leur résignation. De leur propre organisation désordonnée. Ils souffriraient de l’absence d’une autorité véritable qui pourrait sérieusement les représenter. La désignation de cette autorité ne saurait être ni descendante ni téléguidée. Cette autorité devrait pouvoir bénéficier d’une indépendance intellectuelle, politique, religieuse, financière et morale. La foire devrait céder à l’institutionnalisation de la discipline. Voire même à l’instauration de véritables structures d’études théologiques. La précision devrait supplanter l’approximation. Il en va de la renaissance des valeurs de la civilisation arabo-musulmane.

Liberté d’opinion et son corollaire la liberté d’expression : une justice de patriciens dictée par l’exécutif ?

Suite à la légitime émotion inhérente au drame, le politique ne pourrait cependant s’adjuger le droit d’imposer, dans un schéma préconçu et simple, le même mode de pensée à tous les divers individus qui composent la mosaïque de la population.

Que signifie finalement la liberté d’expression ? La confusion est totale. Elle mériterait, peut-être, une saisine du Conseil Constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité.

Il est pour le moins surprenant d’entendre aujourd’hui les propos du Ministre de la justice, et Garde des sceaux, selon laquelle « On peut tout dessiner, y compris un prophète [des musulmans] parce qu’en France, pays de Voltaire et de l’irrévérence, on a le droit de se moquer de toutes les religions ». Alors qu’il y a encore quelques mois, cette même Ministre exprimait publiquement son mécontentement, c’est peu dire, lorsqu’elle avait été, elle-même, caricaturée. Sa susceptibilité devrait-elle être mieux prise en compte que celle de plusieurs millions de musulmans dans le monde ? Par ailleurs, elle semble ignorer l’abolition, de fait, des frontières inhérente aux moyens actuels de communication.

En France, n’a-t-on pas récemment censuré d’autres ouvrages qui traitent pourtant du même sujet (sur les musulmans) ? N’a-t-on pas interdit, à titre préventif, à un artiste de se produire parce que l’exécutif, notamment, jugeait son humour détestable ? N’a-t-on pas également instauré, par une source indirecte du droit, un « devoir de réserve » dont le principe est lui aussi appliqué de façon aléatoire à certains citoyens - fonctionnaires - ?

Et que penser de cette récente circulaire spéciale donnant des injonctions exceptionnelles aux procureurs de la République ? Comme si ces derniers, en temps « normal », ne faisaient preuve de « fermeté ». Certains ne pourraient-ils y percevoir un aveu d’un éventuel laxisme du Ministère public ?

Des voix divergentes, à celles des maîtres de la parole, que l’on voudrait faire taire en les réprimant devant les tribunaux, déjà surchargés, et en publiant de nouvelles « lois ». Et avec une réactivité inhabituelle. Les juges croulent déjà sous les textes et les dossiers. On se croirait à l’époque du bas-Empire romain. Ou alors, il s’agirait, peut-être, d’une justice des nouveaux patriciens menée au détriment des nouveaux plébéiens. Si tel est le cas, il serait temps de convoquer, à nouveau, les décemvirs.

L’exécutif devrait-il dicter le sens de la lecture du droit existant ?

Mais, il semblerait que lorsque le droit bavarde, les citoyens ne lui prêteraient plus qu’une oreille discrète. L’inflation des textes provoquerait le déclin de la loi.

Liberté d’expression : avis personnel

A titre personnel, je considère la liberté d’expression comme un droit inaliénable et inconditionnel. Je lutterais pour que mon adversaire puisse tout me dire, y compris de ce qu’il y a de plus détestable. Il m’appartiendrait ensuite de lui répondre par le verbe et la plume. Sans violence, physique notamment. Car celle-ci pourrait être interprétée comme la matérialisation, le reflet, d'un manque d’arguments.

Toutefois, ma conception de la liberté ne me donne pas le droit d’en user dans le seul but de nuire à autrui, de le provoquer sans cause fondée, de le tourner publiquement en dérision de façon déraisonnable et irresponsable. La question fondamentale à poser devrait être : quel est le bénéfice escompté que je recherche par l’usage de cette liberté d’expression ? Ma liberté s’arrête là où commence celle de mon voisin. Pourquoi attaquer, gratuitement, les valeurs profondes de mon voisin ? Un curseur à placer à sa juste position.

Chaque citoyen, bien que libre, devrait faire de cette liberté un bon usage. De ne pas en abuser.

Le droit positif a consacré ce droit. Mais, ce même droit positif a également sanctionné l’abus de droit. La première finalité du droit est de veiller à préserver la paix sociale. Il y a lieu de ne pas mépriser non plus le droit naturel des gens.

Dans un corps humain, lorsqu’une cellule refuse d’arrêter sa croissance au contact du périmètre - du domaine - des autres cellules, elle provoque une tumeur voire un cancer.

Interventions militaires étrangères : une consultation populaire obligatoire et préalable ?

Tout Etat est souverain. Mais, que penser des interventions, notamment militaires, sur des territoires étrangers de tel ou tel autre Etat ? Parfois même de façon unilatérale et en violation du droit international ?

Nos représentants devraient-ils nous consulter avant de déclarer la guerre sur d’autres territoires ? Avant de déranger d’autres peuples et d’agresser leurs us-et-coutumes en voulant leur imposer, brutalement par la force et la coercition, des modèles différents construits ailleurs et lentement durant plusieurs siècles ; des concepts exportés auxquels ces peuples envahis ne sont pas préparés ? Avant de tuer des civils innocents (enfants, parents, grands-parents, etc.) ; mais dans ce cas, ils nous répliquent souvent : ce sont des « dommages collatéraux »… ?

Un Etat qui s’engage dans une guerre ne mettrait-il pas sa population en danger en exposant celle-ci à des ripostes adverses ? Le consentement de cette population ne mériterait-il pas d’être préalablement recueilli avant de s’engager dans une guerre ?

Pourquoi ne pas aménager des zones de guerre où seuls les décideurs, de cette guerre, iraient s’affronter selon des modalités à définir en mettant en jeu leur propre vie ?

Les points que je viens d’aborder ne sont pas exhaustifs. Mais, tel est le sens de ma réflexion.

Ces quelques lignes sont une invitation à une réconciliation avec la rigueur d’analyse de tel ou tel phénomène simple en apparence, mais complexe en réalité.

Contemplons ce que Montesquieu soutenait dans son ouvrage « De l’esprit des lois » : « Le grand avantage des représentants c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n’y est point du tout propre, ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie. »

La démocratie qui est aussi « le pire des régimes, à l’exception de tous les autres » selon Winston Churchill.

Enfin, dans son livre intitulé « L’empire de la honte », paru en 2005 chez Fayard, Jean Ziegler évoque plusieurs thèmes et notamment : « du droit au bonheur », « le fantôme de la liberté », « la rareté organisée », « la violence structurelle », « l’agonie du droit », « la barbarie et son miroir », « des armes de destruction massive : la dette, la faim », « la reféodalisation du monde », « les droits de l’homme c’est bien, le marché c’est mieux ! »… Il rappelle notamment une citation de Régis Debray : « Le choix est entre un empire exaspérant et un Moyen Age insupportable. »

On dirait que l’Homme refuse d’apprendre par l’erreur.

Ignorer son Histoire, les Histoires des autres, nous condamne à la revivre.

Sous toutes réserves.






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