Votre roman m’inspire ces quelques
mots.
Cordialement,
Adèle
J’ai
lu Le Spectre de l’Isotèle.
Quel
titre !
Un
titre qui intrigue.
Et
c’est bien une intrigue qui débute par cette épigramme empreinte à la fois de
combativité et d’une forme de fatalisme.
Luchar es mi destino.
Une
destinée qui aurait pu être tout autre.
Qui
aurait dû être tout autre.
Je
disais donc que j’avais lu Le Spectre de
l’Isotèle.
Je
l’ai relu.
Pour
bien comprendre.
Etre
sûr que ce roman n’en est pas un.
Qu’il
en a la structure et le style narratif.
Mais
que la fiction n’est qu’apparente.
C’est
bien un homme que l’on tente d’abattre.
Une
vie que l’on ne répugne pas à vouloir briser.
Qui
plus est devant tant de témoins.
Qui ne
témoigneront qu’indifférence, complaisance et feinte ignorance.
Sans
sembler ressentir une once de culpabilité.
Et
encore moins de honte.
Cette
histoire appelle à s’interroger sur l’Institution.
Pas
les institutions.
Mais
bien l’Institution.
Si
difficile à définir, à circonscrire.
Et
pourtant tellement puissante.
L’Institution
ne saurait être confondue avec l’Organisation.
Elle
la dirige.
Et
s’appuie pour cela sur des relais internes.
Sur
des relations extérieures.
Et sur
la force de sa représentation aux yeux des membres de l’Organisation et des
corps constitués.
L’Institution,
à commencer par son niveau suprême, ne saurait être contestée.
Ses
actions sont obligatoirement légitimes.
Elle
ne peut saper les détenteurs d’une parcelle de pouvoir qui n’existent que par
elle.
Et
donc pour elle. Pour son existence.
Pour
obtenir une reconnaissance.
Du
moins le croient-ils.
Pour
maintenir leur position au sein de l’Organisation.
Pour
quelques prébendes.
Le
livre est plein d’images, d’allusions.
Le
style est celui des belles-lettres.
Il
n’en demeure pas moins très fluide.
Incisif,
aussi.
Au
service d’une démarche exploratoire.
L’exploration
d’un système qui conduit à une situation aberrante.
Une
situation dangereuse pour le lanceur d’alerte et pour tous les citoyens qu’il
entend protéger.
Des
citoyens dont la sécurité ne semble préoccuper ni l’Institution ni les membres
pourtant éclairés de l’Organisation.
Le
style concourt à la puissance évocatrice de l’œuvre d’Amine Umlil.
Il
sert un exposé rigoureux et circonstancié de faits blâmables, voire
condamnables, et de comportements déviants.
Ce
roman dérange.
Il met
mal à l’aise le lecteur qui se dit : Qu’aurais-je pu faire si j’avais été
la victime de l’Institution ? Qu’aurais-je pu faire si j’avais été témoin
de l’opération de marginalisation du lanceur d’alerte ? Que pourrais-je
faire pour éviter l’élimination du lanceur d’alerte alors que son seul tort est
de vouloir protéger les citoyens et mettre fin à des pratiques nées de l’incompétence
et de la suffisance de leurs auteurs et rendues possibles par la cupidité et la
veulerie de leurs complices.
La
victime, somme toute, de quelques hommes imbus de leur pouvoir supposé ou réel
et en abusant.
Assurés
de leur impunité, pensant, en dépit des leçons de l’Histoire, qu’une erreur ne
saurait être collective.
Le Spectre de l’Isotèle ne
peut que déranger.
Et
heureusement.
Car
trop peu de lanceurs d’alerte ont pu faire bouger les choses, apporter la
sécurité aux citoyens ou la réparation quand il était trop tard.
Et ce
fut au prix d’une médiatisation de leur alerte. »