Un
récent livre, intitulé « L’ETAT-VOYOU », vient
d’être publié chez Albin Michel. (Cliquer ici)
Mais,
ce titre ne confondrait-il pas la notion d’« Etat » avec celle de
« l’Homme d’Etat » ?
La France serait-elle un
« ETAT-VOYOU » ?
En
affirmant « L’Etat, c’est moi »,
Louis XIV soulève la question relative à la nature de l’Etat.
Sauf
erreur de ma part, l’Etat est une « personne morale » décrite comme
un être fictif. L’Etat est une entité. Et Le Petit Larousse définit
une entité comme étant « une réalité
abstraite qui n’est conçue que par
l’esprit ».
Le droit
serait la robe de l’Etat. Droit et Etat se confondraient pour former deux
facettes inséparables qui rappellent étrangement celles d’une pièce de monnaie.
Souverain,
le droit délimite les droits des sujets de droit (vous et moi). Ces derniers
regroupent les Hommes (femme et
homme) qui cohabitent sur un territoire donné. Celui-ci se compose du sol, des
eaux maritimes et de l’espace aérien. Ces déterminants s’organisent pour créer
une institution : l’Etat.
C’est
par l’action que cette réalité abstraite devient
visible ; palpable. C’est la volonté qui fait transiter l’Etat d’une
dimension abstraite à celle du réel. C’est la mise en œuvre qui sort l’entité
de son isolement et atténue son caractère abstrait.
De la
volonté des individus, le droit fait naître des institutions en leur conférant
une capacité juridique en vue de poursuivre le but déterminé par ladite volonté générale. Ce constat renvoie à
la notion de « personne morale », plutôt que physique, de l’Etat.
L’action
de l’Etat, corollaire de sa pensée, se matérialise par la règle de droit. Une règle obligatoire, générale et permanente
qui s’impose, via la sujétion, aux sujets de droit. L’Etat veille, de façon
exclusive, au respect de cette norme. Son caractère coercitif peut faire appel,
le cas échéant, à la contrainte. A la force irrésistible. On perçoit sa
puissance. Son but premier vise à assurer l’ordre
et la paix sociale. La morale et le bien commun de la société semblent être
relayés à une position secondaire. La stabilité et la sécurité juridiques
l’emportent souvent sur les désirs de progrès moral et matériel, et sur la
justice. « Mieux vaut une injustice
qu’un désordre » disait Goethe.
D’où
vient donc ce qualificatif de « personne morale » que l’on attribue à
l’Etat ? De ce qualificatif, on déduit plutôt le binôme accordé à une personne
physique : droits et obligations.
Cette entité rappelle d’autres institutions de droit privé voire public, elles
aussi, dotées d’une capacité juridique d’agir, de contracter, d’ester en
justice… Mais, l’Etat n’est pas une
personne comme les autres dans la mesure où il a été armé du pouvoir
politique. « L’Etat, c’est le
pouvoir institutionnalisé » comme disait Georges Burdeau. L’Etat n’est
pas non plus un sujet de droit comme les autres. Il est soumis à un régime
dérogatoire au droit commun qui se manifeste par des prérogatives exorbitantes
du droit commun.
« L’Etat est honnête homme » dit-on.
L’Etat s’affranchit de tout lien qui ferait de lui un subordonné ou qui
tenterait de le concurrencer. Sur ses Hommes, dans son territoire, il décide de
son organisation. Il est le maître des lieux. Le souverain est doté d’un
pouvoir originaire et suprême. Et par conséquent, il dispose de « la compétence de sa compétence »
et du pouvoir de distribuer ses compétences. Mais, selon Jellinek, la « souveraineté n’appartient pas aux
catégories absolues, mais aux catégories historiques ».
Si le
droit prétend fonder l’Etat, il y a lieu de s’interroger par conséquent sur les
fondements du droit ; et sur l’individu qui véhicule le droit. Cette
question convoque la validité de la règle de droit. Donc sa légitimité. La
graduation de la règle appelle une confrontation avec l’échelle des valeurs.
Certains
crimes, qui ont heurté la conscience universelle, n’auraient-ils pas été commis
au nom du droit positif ? A cette interrogation, l’évidence voudrait que
l’on ajoute une précision : commis… par la main de l’Homme.
Traiter
de la question de l’Etat, de l’Institution, ne devrait pas occulter les
individus qui animent son organisation. L’Etat
ne se confond avec aucun de ses éléments constitutifs. Mais, force est de
constater que c’est l’individu qui
actionne le droit.
Or, de
façon délibérée ou inconsciente, l’Homme ne peut se défaire de ses « propres »
valeurs et convictions, de « sa » morale, de « son »
éthique…
La faille
serait dans l’interface qui sépare l’Homme de l’institution. La déformation
s’infiltre par l’interprétation de la règle de droit. Le hiatus jaillit dans la
mise en œuvre effective de la norme. Au pays des normes, la nature humaine ne
peut assurer, de façon constante, les effets prévus par les buts poursuivis par
la règle de droit. Même le juge pourrait s’ériger en censeur du droit. C’est
lui qui constate les faits. C’est encore lui qui interprète le droit.
Par
une attitude plus ou moins habile, l’Homme pourrait appliquer la règle, voulue
par l’Etat – entité abstraite –, en se fondant sur l’esprit plutôt que sur la
lettre. La robe tombe alors. L’Etat
redevient invisible. Il s’efface. Il est mis en péril.
L’Homme
ne saurait être confondu avec la fonction. Le
détenteur de l’autorité n’est pas l’institution. L’Etat n’est donc pas
seulement une entité juridique. Il est confronté à une réalité politique,
sociale, humaine…
Enfin,
l’Homme n’a pas attendu le droit pour constituer des regroupements
autonomes : famille, tribu… Ces petites formations ont fondé plus tard une
entité supérieure et générale : peuple,
nation. Un corps uni par le ciment social et par une volonté de vivre ensemble qui supplante
l’obstacle de l’origine et de la provenance. Le passé commun représente la
fondation de la construction ; l’apparente différence du présent, elle,
constitue ses étages du futur. Offrant ainsi une hauteur de vue sur les autres
paysages…
Autres
lectures (non exhaustives) :
Rapport
ministériel sur l’ARS… : une logique « mortifère », un système
« destructeur »… (Cliquer ici)