« Cette nuit, j’ai rêvé du mur. Ce mur
auquel j’ai parlé tout au long de l’été dernier. » (Entre Dieu et moi c’est fini, de
Katarina Mazetti) Un mur de verre à travers lequel j’ai aperçu de loin mon ami
Amine (…)
En réalité,
ce mur est sourd et muet. Je n’ai su lui parler qu’avec mon regard. Il n’a pu
me répondre qu’en me laissant entrevoir de brèves images en temps réel. Des
images tantôt en couleurs, tantôt en noir et blanc. Une étrange distinction qui
laisserait supposer que le blanc et le noir ne seraient point des couleurs. Une
classification, une standardisation, une mise en relief comme si l’on voulait
opposer le white au black.
Ce
mur-écran, c’est comme un voyage, sur place, dans le temps et dans l’espace,
qui devient possible par un simple regard à travers ce mur-frontière. Ce
mur-prison. Impuissant, je me suis contenté d’observer les courtes séquences
qui me sont présentées dans le désordre. Des évènements qui se déroulent au
pays des Codes Bleu-Marianne. Un paysage situé de l’autre côté de la rive. De
l’autre côté de ce mur-miroir. Un film long, et en même temps intense, que j’ai
regardé durant l’été dernier, la gorge serrée. Et, cette nuit, dans mon rêve,
j’ai revu cette scène qui ne cesse de me hanter.
Au pied de
ce mur transparent, je suis en première loge pour contempler cet étonnant
spectacle. Je perçois l’isolement d’Amine. Mais, il semble être en compagnie de
sa solitude. Amine rumine. Sa souffrance me percute. Elle me rappelle ma propre
douleur.
Mais, de
l’autre côté du mur, de mon côté, dans mon paysage à moi, c’est l’été. Le
soleil est radieux. La chaleur estivale, tant désirée, est au rendez-vous. Je
suis loin de mes coordonnées, de mes fréquentations et fréquences habituelles.
Je suis en vacances. C’est un moment que j’attendais avec impatience. En
pareilles circonstances, la routine s’éloigne. La maltraitance fait une pause.
Les blessures tentent de se refermer. La distance aide à l’oubli. A son tour,
l’oubli essaye d’atténuer la douleur. Le cœur s’apaise. L’esprit s’éclaircit.
La mise au point est parfaite. Les images deviennent nettes. J’oublie ma
douleur. J’ignore mon ami. Je dirais même que sa souffrance me rassure. Elle me
donne l’illusion que je suis à l’abri.
Je ne peux
intervenir pour venir au secours de mon ami. Ce mur paraît infranchissable.
Souple et amovible, ce mur peut embrasser presque toutes les formes de
courbures. Sa surface est lisse et glissante. Sa taille est disproportionnée.
Il est entouré et surveillé par une impressionnante garde rapprochée. Celle-ci
est composée de quelques individus. Une dizaine, une vingtaine voire plus. De
ma position, il m’est difficile de compter avec précision leur nombre exact.
Selon le moment de la journée ou de la nuit, ces gardiens se déguisent en
blouses blanches, en col blanc, ou en robes noires. Leur tenue change selon le
nycthémère et selon les circonstances. En permanence, continuellement, ce mur
analyse les données de l’environnement qui l’entoure. Il semble être doté d’une
invraisemblable capacité d’adaptation et de changement. Par exemple, il peut
paraître vertical ou horizontal. Il peut devenir oblique ou circulaire. Il peut
jouer le rôle d’un plancher, d’un plafond, ou assurer la fonction d’une
pyramide. Tout dépend de l’angle de vue duquel on l’observe. L’ensemble demeure
invisible du lointain observateur et de l’occasionnel voyageur. Bien qu’il soit
sourd et muet, ce mur semble être une barrière sophistiquée et conçue sur
mesure. Sa surdité et son mutisme renforcent d’ailleurs son calme, sa sérénité
et son efficacité.
Au fond,
ai-je vraiment envie d’intervenir pour aider mon ami ? J’ai sans doute
peur. Ou, peut-être, que mon inertie ne serait que l’expression de mon profond
désir de repos et de tranquillité. Pourquoi sacrifier un moment tant
attendu ? Ou, peut-être, que mon indifférence ne serait que la traduction
de mon aveuglement démissionnaire, que le témoin de ma réceptivité à la
manipulation, que le marqueur de mon esprit corrompu ou de mon sadisme latent.
L’amitié est souvent une notion galvaudée. Souvent, l’amitié de façade, la
fausse amitié, cède à la véritable trahison. C’est comme « ces amitiés
d’enfance qu’on abandonne en même temps que la toge prétexte (Cicéron). » Mais,
le zeste de respect que j’ai encore pour mon vieil ami m’oblige à regarder vers
son paysage. A minima.
La scène est
pour le moins étrange. Elle est tout à la fois claire et confuse. La position
d’Amine est très basse. Je suis en haut, bien loin. Il semble noyé dans la
poussière de la moquette. Mon piédestal est éclairé par les lumières des
lustres. Il est dans un immense souterrain connu pour ses nombreux et sombres
labyrinthes, pour son odeur nauséabonde, pour son silence qui saisit tout
nouveau visiteur et explorateur, pour ses égouts peuplés de quelques rongeurs
et prédateurs. Alors que, moi, je suis sur une terrasse bien ensoleillée et
délicieusement parfumée. Bref, une distance notable me sépare de mon ami. Le
contraste est saisissant. Comment agir donc pour pouvoir l’approcher ?
Amine semble également me percevoir. Enfin, c’est ce que je crois. Il s’agite
en me faisant des gestes. Il m’adresse des signes. Il semble perdu. Il tente de
me parler. Je ne peux l’entendre. Mais, je suis contraint de l’observer. Je ne
peux détourner mon regard. Mes yeux se figent. Ils se fixent sur ce mur-miroir
comme s’ils venaient de croiser le regard de Méduse. Ma fréquence respiratoire
s’accentue. Mon rythme cardiaque s’accélère. Je transpire. Je suis pétrifié.
Soudainement,
le visage de mon ami devient flouté. Je ne vois plus que ses lèvres sur
lesquelles je dois lire son message. Une voix intérieure me pousse à le
déchiffrer et à le décoder. A distance, il me soumet une équation à l’étrange
degré qui se distingue par ses nombreux inconnus. Par ses multiples paramètres
d’ajustement qui excellent par leur extraordinaire variabilité. Une simplicité
technique dotée d’une particulière complexité humaine. Une singularité. Je
finis par voir cette vérité indésirable, inhabituelle, rare. Une vérité qui peut
amener chacun de nous à la rencontre d’un monde que l’on croyait juste et
équitable mais qui, au final, s’avère cloisonné et stratifié. Une vérité qui,
selon Emir Abdelkader, nous « apprend à connaître les Hommes » et non
celle que les Hommes voudrait nous faire connaître. Une exception de
vérité ! Ou peut-être de citoyenneté.
Mon ami
Amine a l’apparence d’un métèque. Il est de la même espèce que les lions de
l’Atlas. Ceux qui n’avaient point hésité à rejoindre De Gaulle en même temps
que les autres aventuriers et les boiteux. Mon ami est un commis-voyageur. Il
roule dans une R4, sa Renault 4, sa « quatrelle » comme il l’appelle.
Une voiture dont la boîte de vitesses horizontale lui rappelle un
tiroir-caisse. Elle est de couleur jaune. C’est la même voiture que celle du
facteur noir que l’on a vue dans « Les visiteurs » ; le film …
(…)
Dans
l’isolement d’Amine, je vois ma propre solitude. Elle me parle durant ma
« traversée du désert ». Elle ne me quitte plus. Elle me stimule
lorsque j’entends la voix de W. Jammes sans cesse me répéter que « l’on ne
saurait inventer de châtiment plus infernal, même si pareille chose était
matériellement possible, que d’être lâché dans une société et d’y rester
complètement inaperçu de tous ses membres. »
(…)
Bien qu’il
ne soit pas amnésique, mon ami semble ne plus savoir qui il est, ni d’où il
vient. Dorénavant, le miroir de son rétroviseur lui reflète un angle mort. Pour
lui et sa famille, le temps paraît suspendu. Mais, il maintient le cap. A tort
ou à raison. Il ne sait par quel bout commencer. L’arbitraire sème le trouble
dans son existence. Amine essaie de comprendre. Donc, il analyse. Il finit par
saisir qu’il n’est, finalement, pas le bienvenu. Il n’est plus le bienvenu.
Longtemps réclusionnaire de l’illusionnisme, il vient de réaliser, enfin, qu’il
ne pourrait prétendre accéder, éternellement, au label « LEF ». Il
devrait en être dépossédé. Sa décoration, par la reine, n’aurait été que
provisoire. L’heure de la rétrogradation aurait sonné. Un citoyen de « seconde
catégorie », telle est la position que certains indigènes de dimension
locale voudraient, désormais, lui assigner. L’étiquette qu’ils aimeraient tant
lui coller. Mais, cette hostilité ne le décourage point.
(…)
Amine semble
avoir pris de l’ampleur. C’est une jeune pousse exotique qui commence à égaler,
voire dépasser, certaines branches ménopausées du petit et vieux tronc, aux
racines bien profondes, et bien du coin. Elle lui fait de l’ombre. Un climat
auquel ces vieilles boutures sont devenues allergiques.
En voulant
astiquer avec vigueur l’épaisse croûte qui gît aux fonds des tiroirs de la
boutique, mon ami soulève un tas de poussière. Il trouve même des fossiles. Son
geste intrigue. Il fait éternuer ses collègues. Certains commencent même à
tousser avant de finir par cracher et vomir. Y compris du sixième étage. Par ce
jet microbien, ils salissent le jeune homme de ménage. Mon ami vient de créer
un courant d’air. Les caïds ne le supportent guère. Amine est devenu comme un
miroir qui réfléchit à certains ce qu’ils auraient dû faire ou, ce qu’ils n’ont
pas voulu faire ou, ne peuvent pas faire ou encore, ce qu’ils ne sont pas ou,
ne peuvent pas devenir. Bref, involontairement, sans le chercher, il les mets
face à leurs limites et devant les conséquences de leurs décisions.
(…)
Un nouveau
patron est arrivé. C’est du pain béni ! C’est le moment d’agir. Il faut
casser ce nouveau petit miroir, aux bords folkloriques, qui nous reflète nos
vrais visages. Qui les dévoile. Qui fait tomber nos masques et nos déguisements
traditionnels. Qui retire nos habits et tenues de fortune. Qui nous dénude. Il
ose briser notre norme locale. Il détruit la muraille du silence. De l’omerta.
Il crée une brèche. Il fragilise notre « cité interdite ».
Inacceptable !
Je vois mon
ami traqué par un groupe d’individus. Par des silhouettes défraichies aux
contours imprécis et aux bords mal définis. On dirait des moribonds. Amine est
défié. Il est poursuivi et chassé. Il refuse l’affrontement. Il tente de
discuter et de négocier. A son invisible adversaire, et à plusieurs reprises,
il propose une solution amiable. Ses détracteurs se moquent de lui
régulièrement, durablement, douloureusement, violemment, publiquement,
honteusement.
On dirait
« Caliban » dans la « Tempête ». Mais, non ! C’est
bien Amine au pays des Codes Bleu-Marianne. Au « pays des
merveilles » …
Mon ami
court. Il arrive au bout du chemin. Au bord de la falaise. Au bout du gouffre.
Au bord de l’asphyxie. La pression et le vertige ! Il est épuisé. Il a
faim. Il a soif. Il est rapidement encerclé par la bande. Il est sur le point
de tomber. Durant sa chute, et avec une certaine nostalgie, mon ami prend tout
de même le temps d’admirer la hauteur de la position dans laquelle son ancienne
aile protectrice l’avait déposé, laissé et abandonné avant qu’elle ne s’envole
vers de nouveaux horizons.
J’éprouve
quelques malaises à identifier la raison objective qui pourrait expliquer et
justifier un tel acharnement.
(…)
A travers ce
mur, je perçois de petits animaux qui se regroupent et conjuguent leurs efforts
pour tuer un plus gros animal. Quand ce n’est pas l’un qui attaque, c’est
l’autre qui prend le relais et, frappe. Et pique, déchire, arrache. Chacun à
son tour. Simultanément, alternativement, de façon organisée, coordonnée,
orchestrée et sponsorisée. Les blessures ne laissent couler aucun fluide. Pas
une goutte de sang. Du propre. Du travail d’habitués, de professionnels
chevronnés, de créatures entraînées et aguerries. Les prédateurs optimisent
leurs efforts. Ils préservent leurs forces tout en tentant d’user leur proie,
isolée. Ils jouent la montre. Ils cherchent l’épuisement. Ils agissent à l’abri
des regards, bien sûr. Dans une cave ou dans un souterrain mal éclairés.
« La cruauté est la force des lâches. » Ils ne laissent de traces que
dans la tête de leur cible. Une tournante. Un viol moral collectif. Une
torture. Un crime.
Comme une
herse silencieuse, avec ses nombreuses piques, la main de la bande invisible
laboure intensément, et en profondeur, le jeune corps de mon ami. Elle le
creuse. Elle le prépare. Elle le fertilise. Elle veut y semer les graines de la
division, de la colère et de la haine. Elle envisage d’arroser cette semence
avec ses postillons, crachats et vomissures. Elle veut lui faire pousser la
barbe. Barbe de la maltraitance, de l’indifférence et de l’injustice. Barbe du
profit et des enjeux personnels et catégoriels. Barbe de la soif. Barbe de la
faim. Celle de la fin.
Mais, je
connais la qualité du terreau de mon ami. Elle est incompatible avec le
traitement qu’on lui inflige. Peine perdue ! Bien que l’orage gronde, les
larmes saccadées et provoquées qui ruissellent, de façon programmée, des yeux
de mon ami ne font pas germer ce type de graines. Il y a comme une mauvaise
formule.
(…)
De façon
inattendue, je ne sais par quel miracle, je vois Amine se redresser. Je suis
surpris tout autant que la bande. Il arrive à trouver refuge dans son coin
habituel, et isolé, de la boutique. Il retrouve ses quelques mètres carrés sans
lumière naturelle ni aération. A nouveau, il y prend logis. Dans ce petit
local, souvent maux de tête et nausées le guettent. Sa fiche de fonction est
vidée de sa substance. Au fil des jours, son téléphone devient aphone. Son
agenda blanchit. Son « carrièrogramme » s’aplatit.
Avec la
pointe de sa plume, mon ami tente d’extraire et d’évacuer les nombreuses et
diverses lames tranchantes des couteaux plantés par derrière, insidieusement,
sournoisement, à plusieurs reprises, par la main invisible. Son bouclier n’est
qu’une simple pointe de plume qui, spontanément, se trouve aiguisée par les
nombreuses pierres lapidaires que la bande utilise pour lyncher mon ami. Amine
tente de soigner ses plaies intérieures. L’encre devient son pansement. Il s’en
sert pour colmater les brèches de ses fissures invisibles. Mon ami est marqué.
Il est tatoué.
Comme disait
Albert Londres, « Il est de porter la plume dans la plaie. »
Il écrit,
donc il existe. Mon ami prend conscience de sa chance. Il a appris à lire et à
écrire dans la langue du pays. Il a su embrasser la langue de Marianne. Il a su
caresser sa trame. Ce n’est, peut-être, pas le cas de tous ses semblables. Je
vois quelques jaloux à la technique de drague rodée mais néanmoins douteuse.
Des inconditionnels du « léchecultage » promotionnel et des courbures
de bienséance. Des habitués du cirage, de la savonnette et de la sucette.
Quelques petits poids, bien légers, qui flottent et qui dansent. Qui tanguent
selon la force et la direction du vent. Des éléments instables qui seraient
prêts à vendre leurs âmes pour accéder en haut de la pyramide. Des grains de
sable dorés qui filent entre les petits doigts de velours. Ils sont facilement
reconnaissables. Ils sont suspendus en l’air, dans leur bulle. Solidairement,
ils ont saisi la mauvaise branche. Ils se tiennent par la barbichette à la
texture et consistance bien fragile. Tu me lâche, je te lâche !
Mon ami se
découvre. Il découvre son armure. Il remarque que ses mots deviennent des
projectiles. Ses phrases des flèches et des missiles. Son verbe est la seule
arme qu’il lui reste. Il n’a guère d’autre choix possible. Alors, de son
cachot, il écrit. Il résume, bien que le mur lui reproche souvent de trop
écrire. De trop le noircir. Mon ami aurait commis le tort d’avoir trop subi. Il
rédige, colle et poste. Il ne peut communiquer autrement. Il envoie des
messages dans toutes les directions. Il tente d’alerter ses collègues. Il
demande de l’aide et appelle au secours. Il est en détresse. Désormais, il
refuse d’encaisser en silence. Il refuse la tondeuse. Il décide de sortir de
l’isolement dans lequel certaines momies de la nouvelle pyramide veulent le
cantonner et l’enfermer. Il rejette le niveau dans lequel ces fossiles veulent
le plaquer, l’immobiliser et l’enterrer. Alors, des oubliettes mal éclairées
dans lesquelles il est jeté, il écrit pour garder contact et pour faire
entendre les échos de sa grotte. Pour indiquer en permanence ses coordonnées et
sa localisation. Pour dire qu’il est toujours vivant et disponible. Pour faire
taire les ragots et la calomnie des couloirs. Ceux de l’approximation et de la
mauvaise foi. De la ruse et du mensonge. De l’incompétence et de la terreur. Du
mépris et de l’humiliation.
Avec son
encre bleue-Marianne, qui signe l’originale et rappelle la source, il asperge
les hautes étagères de son placard dans lequel il est enfermé à double tour.
Celles qui ne servent pas souvent. Voire celles qui ne servent jamais, à rien,
sinon à occuper de l’espace, et à gaspiller les fonds en tuant le temps. Ces
planches en hauteur qui génèrent quelques béquilles, courbatures et déchirures
aux bras levés qui tentent de les alerter, les approcher, les toucher, les
appréhender sans les faire tomber, les déstabiliser ne serait-ce qu’un moment,
les alourdir. Ces membres inférieurs, d’en bas, qui se lèvent et essayent de
rompre le cocon de tranquillité des membres supérieurs, ceux d’en haut. Une
gymnastique périlleuse à laquelle la rigidité du premier cercle n’est nullement
coutumière ! Je veux parler de ces hauts niveaux qui étouffent en rendant
quelques rangements inaccessibles et incompréhensibles. Ceux qui encombrent en
rendant quelques organigrammes illisibles et inutiles.
(…)
Impunité !
On dirait une pathologie silencieuse et contagieuse d’un système
poly-endogame …
Je commence à apercevoir, à nouveau, les traits du visage de mon ami
Amine. Il n’est plus flouté. C’est bizarre ! On dirait mon sosie. Je me
vois en lui. Je vois ma tête portée par le corps d’Amine.
Amine, c’était donc moi.
Mais, moi, je m’appelle Dominique.
Mais, non ! Amine est à mes côtés.
C’est bien moi. Je suis bien Dominique. On dirait que le mur m’a
aspiré. Il m’aurait avalé. C’est même sûr. On dirait que c’est mon tour qui
arrive.
Brusquement, je vois mon ami Amine s’éloigner. Pour ses loyaux services
rendus, il n’a même pas le droit à la récompense voulue par « le décret de
l’année 304/3 ». On ne lui accorde même pas des « éloges ». Ni
même une « couronne de feuillage ».
(…)