En cette « folle »
période d’élection présidentielle française, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient, dans un arrêt
rendu le 1er février 2017 (Cass. crim., 1er févr. 2017,
n°15-84.511)(1), confirmer la condamnation du maire d’une
commune. Le raisonnement de la Cour de cassation aurait pu s'appliquer à d'autres Hommes (femmes et hommes) politiques français ciblant les gens du voyage, les Roms et d'autres groupes de personnes déterminées. Voici comment la haute juridiction a procédé dans cet arrêt :
« (…) Lors d’une
réunion publique à (…), [le] maire de cette commune a tenu les propos suivants :
« Je vous rappelle quand même, que
les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m’ont mis neuf fois le feu. Neuf
fois des départs de feux éteints par le SDIS dont le dernier, ils se le sont
mis eux-mêmes. Vous savez ce qu’ils font : ils piquent des câbles
électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont
mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes. Un gag ! Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait
appelé trop tôt les secours ! Mais je ne l’ai pas dit, je ne l’ai pas
dit. Non mais parce que les Roms, c’est un cauchemar, c’est un cauchemar » ;
qu’il a été cité du chef susvisé devant le tribunal correctionnel, qui l’a
déclaré coupable ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel
de cette décision ;
(…)
(…) pour confirmer
le jugement entrepris, l’arrêt [de la cour d’appel] retient qu’en rappelant délibérément que des Roms
avaient provoqué neuf départs de feu dans leur campement et en regrettant l’appel prématuré des
services de secours, ce qui sous-entend que les personnes concernées
auraient pu brûler vives dans leur caravane, le prévenu a, ainsi stigmatisé un groupe, les Roms, insufflé la haine et, en toute connaissance
de cause, provoqué à la violence envers eux ; que les juges ajoutent
que les propos incriminés démontrent l’intention animant leur auteur, qui a
rappelé une énumération de méfaits graves, imputés à des Roms, en les associant
à l’idée de ne pas appeler les secours en cas d’incendie de leurs caravanes, et
a pris le risque de susciter
immédiatement chez certains de ses administrés des réactions de rejet, voire de
haine et de violence ; que la cour d’appel retient enfin que les
limites du droit à la libre expression ont été dépassées, les propos tenus
suscitant un sentiment d’hostilité ou de
rejet envers un groupe de personnes déterminées ;
(…) qu’en
prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction,
qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la
cour d’appel a justifié sa décision, dès lors qu’elle a relevé, à bon droit,
que les éléments constitutifs du délit
prévu par l’article 24, alinéa 8, devenu l’alinéa 7, de la loi du 29 juillet
1881 étaient réunis et que l’exercice de la liberté d’expression, proclamée par
l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, peut être
soumis à des restrictions ou sanctions qui constituent, comme en l’espèce, des
mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui ;
(…) pour confirmer [encore]
le jugement entrepris, l’arrêt [de la cour d’appel] retient que les faits ont
été commis par un homme politique, maire de la commune de (…) depuis treize ans, dont la mission est
avant tout d’assurer la sécurité de l’ensemble des personnes sur sa commune ;
que les juges ajoutent que, compte tenu de la
personnalité du prévenu et de la gravité des faits qui lui sont reprochés,
une peine complémentaire d’inéligibilité
pour une durée d’un an lui est infligée ;
(…) qu’en l’état de
ces motifs procédant de son appréciation souveraine [celle de la cour d’appel],
qui, d’une part, répondent à l’exigence, résultant des articles 132-1 du code
pénal et 485 du code de procédure pénale, selon laquelle en matière
correctionnelle toute peine doit être motivée au regard de la gravité des
faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, et
dont il se déduit, d’autre part, que les juges ont apprécié le caractère
proportionné de l’atteinte portée au principe de la liberté d’expression défini
par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’interprété
par la Cour européenne, la cour d’appel a justifié sa décision ;
(…)
Rejette le pourvoi ;
(…). »