En 2017, le maire
d’une ville devrait enfin le savoir, ou ne pas continuer de faire semblant de ne pas
le savoir.
Supprimer le menu
sans porc : un maire ne peut se fonder sur la laïcité
Le maire ne peut se
fonder sur l’argument de la laïcité pour prendre une mesure de police
municipale qui restreint, dans l’espace public, des libertés et des droits
fondamentaux tels que la liberté de conscience et de religion (ces libertés sont garanties par de
nombreux textes situés au sommet de la pyramide des normes).
Le juge des référés
du Conseil d’État (CE) est venu le rappeler dans son ordonnance du 26 août 2016
rendue suite à l’affaire du « burkini » : « (…) que les mesures de police que le maire d’une commune (…) en
vue de réglementer (…) doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au
regard des seules nécessités de l’ordre public (…) Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux
libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre
public. ».
La protection du
principe de laïcité ne peut donc être, en soi, le but recherché par un arrêté
de police comme l’illustre d’ailleurs depuis fort longtemps l’exemple des
processions sur les voies publiques (CE, 19 févr. 1909, arrêt Abbé Olivier c/ Maire de Sens, n°27355).
Le pouvoir du maire est limité à la seule préservation
de l’ordre public.
Or, les cinq composantes de cet ordre public n’incluent pas, selon la haute juridiction administrative
française, le critère de la laïcité.
Ces cinq composantes se limitent à : la sécurité, la tranquillité et la salubrité
publiques, la moralité en cas de circonstances locales particulières, et la
dignité de la personne humaine. Les 36.000 autorités de police municipale
devraient l’intégrer désormais.
Pratiques confessionnelles
alimentaires : une composante de la liberté de religion
Et les pratiques confessionnelles
alimentaires sont une composante à part entière de la liberté de
religion ; elles relèvent des « pratiques » et de
« l’accomplissement des rites » mentionnés à l’article 9 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(CEDH, gr. Ch., 27 juin 2000, n°27417/95, Cha’are
Shalom ve Tsedek c/France ; CEDH 7 déc. 2010, n°18429/06, Jakobski c/Pologne).
L’abattage rituel
des animaux est un moyen de libre exercice des cultes (CE, 5 juill. 2013,
n°361441, Œuvre d’assistance aux bêtes
d’abattoirs). Cette reconnaissance n’a de sens que si les fidèles ont la
possibilité de consommer une telle viande halal
ou casher.
Ces pratiques
confessionnelles alimentaires comportent deux catégories :
- une prescription dite négative : interdiction de manger la viande de porc, par
exemple, pour les personnes de confession juive ou musulmane ;
- et une prescription dite positive : ne manger que la viande halal (cas des musulmans) ou casher
(cas des juifs).
Menu sans porc et
menu végétarien : une obligation de résultat
pour l’administration
Concernant le menu sans porc, le juge oblige
l’administration à répondre favorablement à cette prescription confessionnelle dite
négative. C’est une obligation de résultat qui pèse sur l’administration :
le service de cantine ne peut imposer une nourriture prohibée, comme le porc
par exemple. (CE, 10e et 9e ss-sect. réunies, 10 févr.
2016, n°385929).
Il en est de même
pour le menu végétarien selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH,
arrêt Vartic c/ Roumanie, 17 déc. 2013).
Menu halal ou casher, une obligation de
moyens pour l’administration
Par contre, la
cantine n’est pas tenue de fournir, en toute circonstance, une viande halal ou casher. Dans ce cas, le juge fait peser sur l’administration une
simple obligation de moyens (CE, 6e et 1re ss-sect.
réunies, 25 févr. 2015, n°375724) ; (CE, 10e et 9e
ss-sect. réunies, 10 févr. 2016, n°385929).
Une obligation, tout de même…
Position du
juge : le menu végétarien ne peut remplacer le menu carné
Et le menu
végétarien ne peut être proposé en lieu et place du menu carné (CE, 20 mars
2013, n°354547, Association végétarienne
de France).
Chrétiens, musulmans,
juifs, bouddhistes… : tous invités à la même table du service public
Par conséquent, il
semble utile que ces arguments soient portés à la connaissance des maires
concernés. Leurs éventuelles analyses (réponses) seront les bienvenues. Elles me permettraient, peut-être,
de reconsidérer ma réflexion.
N.B. : pour
rappel, voici par exemple certains arguments d’un maire (de Cholet) lus dans la
presse : à écarter donc selon le juge
« La loi de laïcité :
Nous garantissons la qualité des repas fournis et non la prise en compte des
choix religieux ou idéologiques » : (Ouest-France, 13 juin 2014)
« Si on vit en France, on vit selon le mode de vie
français. Si on ne le veut pas, on peut toujours aller vivre ailleurs. » (Ouest-France, 1er septembre 2016)
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