dimanche 26 mars 2017

Menu « sans porc » à la cantine : ce que dit le juge en 2017


En 2017, le maire d’une ville devrait enfin le savoir, ou ne pas continuer de faire semblant de ne pas le savoir.


Supprimer le menu sans porc : un maire ne peut se fonder sur la laïcité

Le maire ne peut se fonder sur l’argument de la laïcité pour prendre une mesure de police municipale qui restreint, dans l’espace public, des libertés et des droits fondamentaux tels que la liberté de conscience et de religion (ces libertés sont garanties par de nombreux textes situés au sommet de la pyramide des normes).

Le juge des référés du Conseil d’État (CE) est venu le rappeler dans son ordonnance du 26 août 2016 rendue suite à l’affaire du « burkini » : « (…) que les mesures de police que le maire d’une commune (…) en vue de réglementer (…) doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public (…) Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public. ».

La protection du principe de laïcité ne peut donc être, en soi, le but recherché par un arrêté de police comme l’illustre d’ailleurs depuis fort longtemps l’exemple des processions sur les voies publiques (CE, 19 févr. 1909, arrêt Abbé Olivier c/ Maire de Sens, n°27355).

Le pouvoir du maire est limité à la seule préservation de l’ordre public. Or, les cinq composantes de cet ordre public n’incluent pas, selon la haute juridiction administrative française, le critère de la laïcité. Ces cinq composantes se limitent à : la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques, la moralité en cas de circonstances locales particulières, et la dignité de la personne humaine. Les 36.000 autorités de police municipale devraient l’intégrer désormais.

Pratiques confessionnelles alimentaires : une composante de la liberté de religion

Et les pratiques confessionnelles alimentaires sont une composante à part entière de la liberté de religion ; elles relèvent des « pratiques » et de « l’accomplissement des rites » mentionnés à l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gr. Ch., 27 juin 2000, n°27417/95, Cha’are Shalom ve Tsedek c/France ; CEDH 7 déc. 2010, n°18429/06, Jakobski c/Pologne).

L’abattage rituel des animaux est un moyen de libre exercice des cultes (CE, 5 juill. 2013, n°361441, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs). Cette reconnaissance n’a de sens que si les fidèles ont la possibilité de consommer une telle viande halal ou casher.

Ces pratiques confessionnelles alimentaires comportent deux catégories :

-     une prescription dite négative : interdiction de manger la viande de porc, par exemple, pour les personnes de confession juive ou musulmane ;

-     et une prescription dite positive : ne manger que la viande halal (cas des musulmans) ou casher (cas des juifs).

Menu sans porc et menu végétarien : une obligation de résultat pour l’administration

Concernant le menu sans porc, le juge oblige l’administration à répondre favorablement à cette prescription confessionnelle dite négative. C’est une obligation de résultat qui pèse sur l’administration : le service de cantine ne peut imposer une nourriture prohibée, comme le porc par exemple. (CE, 10e et 9e ss-sect. réunies, 10 févr. 2016, n°385929).

Il en est de même pour le menu végétarien selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, arrêt Vartic c/ Roumanie, 17 déc. 2013).

Menu halal ou casher, une obligation de moyens pour l’administration

Par contre, la cantine n’est pas tenue de fournir, en toute circonstance, une viande halal ou casher. Dans ce cas, le juge fait peser sur l’administration une simple obligation de moyens (CE, 6e et 1re ss-sect. réunies, 25 févr. 2015, n°375724) ; (CE, 10e et 9e ss-sect. réunies, 10 févr. 2016, n°385929).

Une obligation, tout de même…

Position du juge : le menu végétarien ne peut remplacer le menu carné

Et le menu végétarien ne peut être proposé en lieu et place du menu carné (CE, 20 mars 2013, n°354547, Association végétarienne de France).

Chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes… : tous invités à la même table du service public

Par conséquent, il semble utile que ces arguments soient portés à la connaissance des maires concernés. Leurs éventuelles analyses (réponses) seront les bienvenues. Elles me permettraient, peut-être, de reconsidérer ma réflexion.

N.B. : pour rappel, voici par exemple certains arguments d’un maire (de Cholet) lus dans la presse : à écarter donc selon le juge

« La loi de laïcité : Nous garantissons la qualité des repas fournis et non la prise en compte des choix religieux ou idéologiques » : (Ouest-France, 13 juin 2014)

« Si on vit en France, on vit selon le mode de vie français. Si on ne le veut pas, on peut toujours aller vivre ailleurs. » (Ouest-France, 1er septembre 2016)






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